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Textes d'opinion

Coût des logements – La Ville de Montréal doit se regarder dans le miroir

Se loger à Montréal coûte de plus en plus cher, si bien que trouver un logement dans son budget est devenu une tâche ardue. Bien que nous n’en soyons pas au même stade que Vancouver, le loyer moyen pour un 4 ½ a dépassé la barre des 1000 $ par mois en 2022.1 Par rapport à 2021, cela représente une augmentation de 5,4 %.

L’administration municipale montréalaise rejette le blâme sur tout le monde. La mairesse Valérie Plante a tour à tour blâmé Airbnb, les spéculateurs immobiliers, les entrepreneurs qui n’offriraient pas les bons produits.

La mairesse Plante oublie de montrer du doigt un autre responsable : la Ville de Montréal elle-même et ses politiques publiques qui jouent un rôle direct dans l’augmentation des prix du logement.

À coups de taxes, de frais de développement, de dictats sur les types de logements et de règlements divers, l’appareil administratif municipal augmente considérablement le risque et les prix à payer au moment de bâtir pour les promoteurs, ce qui se répercute directement sur les prix de vente des unités et les loyers facturés.

Et qui dit réglementation excessive dit désincitatif à construire davantage. L’offre de logements est donc directement limitée, ce qui empêche les prix de baisser.

Des enjeux dès la construction

La logique est claire : si l’offre ne se renouvelle pas et ne croît pas aussi rapidement que la demande, le prix d’équilibre du marché du logement – qu’il soit locatif ou acheté – augmente. Pour restaurer l’abordabilité, il faut permettre aux promoteurs de construire davantage.

Un exemple de contraintes contribuant à l’augmentation des coûts est le fameux règlement « 20-20-20 » mis en place par l’administration Plante.

Pour faire court, le règlement « 20-20-20 » impose aux promoteurs d’inclure dans leurs projets certains types de logements privilégiés par l’administration municipale, sans quoi les fonctionnaires de la Ville rejetteront leurs demandes de permis. On parle ici d’un minimum de 20 % de logements sociaux, 20 % de logements abordables et 20 % de logements dits « familiaux » dans tout projet de plus de cinq logements, ou d’une contribution financière équivalente aux coffres de la Ville.

Quelle que soit la noblesse des intentions de la Ville, ce règlement est bien loin « d’assurer une meilleure offre de logements abordables », l’objectif pourtant souhaité.

Dans les faits, les promoteurs ont deux options.

La première est d’incorporer les logements en question dans leurs projets, même s’ils ne répondent pas du tout aux besoins des locataires ou propriétaires potentiels. Prenons les logements dits « familiaux », par exemple, qui doivent comporter un minimum de trois chambres. Cela donne des projets de logements étudiants qui, afin de répondre aux exigences réglementaires, doivent comprendre au moins 20 % de grands 5 ½, bien que la clientèle cherche plutôt de petites unités individuelles abordables.

La seconde option, qui s’applique aux 40 % de logements sociaux et abordables, est de verser une somme compensatoire importante à la Ville. Par exemple, pour le projet Mansfield de 225 logements au centre-ville, la quote-part demandée par la Ville est de jusqu’à 2,3 millions de dollars, soit plus de 10 000 $ en frais additionnels par unité. On comprendra que cette facture-là se reflète dans le prix de vente.

Et ce ne sont là que les répercussions directes des coûts en lien avec une seule politique montréalaise sur l’habitation. À cela s’ajoutent les coûts indirects liés aux décisions en apparence arbitraires de la Ville dans l’approbation de certains projets.

Un autre exemple

Prenons l’exemple du projet de tour Evolo Nex, de Proment, à L’Île-des-Sœurs. Malgré une pétition citoyenne en soutien au projet, l’avis favorable de l’Office de consultation publique de Montréal et la proximité d’une station du REM, l’administration municipale a choisi d’amputer 11 étages au projet. On pourrait aussi mentionner au passage le projet Square Children’s où, à la suite d’un différend, la Ville a choisi de punir le promoteur en faisant passer la hauteur maximale à quatre étages, contre les 20 initialement prévus.

L’effet direct de ces politiques est à la fois de limiter l’offre de logements et d’augmenter leur coût de construction, deux réalités qui sont aux antipodes de l’abordabilité du logement.

Si la mairesse Plante souhaite réellement aider les Montréalais et Montréalaises à retrouver des logements abordables, elle et son administration devront se regarder dans le miroir avant de rejeter le blâme sur le premier venu.

Célia Pinto Moreira est analyste en politiques publiques à l’IEDM et l’auteure de « Améliorer l’abordabilité des logements à Montréal en réglementant moins la construction ». Elle signe ce texte à titre personnel.

Notes

1. Lisez le rapport de la SCHL sur le marché locatif

Consultez le portrait de l’habitation dans le Grand Montréal

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