Comment réduire le fardeau réglementaire au Canada

Point proposant de responsabiliser le gouvernement fédéral en l’obligeant à démontrer que chaque règlement en vigueur poursuit un objectif justifiable à un coût minimal
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Think tank says overregulation is choking Canadian businesses (Western Standard, 4 mai 2025) | Entrevue (en anglais) avec Krystle Wittevrongel (Taking Stock, BNN Bloomberg, 9 mai 2025) |
Ce Point a été préparé par Shal Marriott, chargée de recherche à l’IEDM, en collaboration avec Renaud Brossard, vice-président, Communications à l’IEDM, et Krystle Wittevrongel, directrice de la Recherche à l’IEDM. La Collection Réglementation de l’IEDM vise à examiner les conséquences souvent imprévues pour les individus et les entreprises de diverses lois et dispositions réglementaires qui s’écartent de leurs objectifs déclarés.
Le fardeau réglementaire nuit tant aux entreprises canadiennes qu’aux consommateurs. Plus il est lourd, plus il limite les possibilités de croissance et de prospérité des entreprises, et plus il réduit la capacité des consommateurs à bénéficier de produits et de services améliorés(1). Selon une récente étude de Statistique Canada, le nombre d’exigences réglementaires fédérales a augmenté de 37 % entre 2006 et 2021, freinant la productivité du travail, l’emploi et la concurrence, et réduisant le nombre d’entreprises qui font leur entrée sur le marché(2).
Bien que le gouvernement fédéral ait déclaré que la réduction de la réglementation était une priorité (notamment dans son Énoncé économique de l’automne 2018(3)), celle-ci ne s’est pas traduite dans l’action, au détriment des entreprises. Ainsi, même si l’on reconnaît généralement que le fardeau réglementaire freine la croissance économique et qu’il existe une volonté affichée de l’alléger, les modalités et l’échéancier du gouvernement demeurent flous. Le succès de l’Examen des programmes de 1995 pourrait servir de modèle à suivre à cet égard.
Tirer les leçons de l’Examen des programmes de 1995
Au milieu des années 1990, les dépenses élevées du gouvernement fédéral étaient source de préoccupation au Canada, ce qui a conduit le gouvernement Chrétien à procéder à un examen des programmes(4). À l’aide d’une série de questions, le niveau des dépenses de chaque programme a été évalué dans le but de réduire les dépenses là où cela était possible. Cette approche a permis au gouvernement à trouver des moyens de réduire les dépenses dans la quasi-totalité des ministères et programmes fédéraux. Les dépenses ont diminué de près de 12 milliards $ au cours des deux premières années, soit une réduction nominale de 9,7 %. Cet effort a permis de présenter, en 1997-1998, le premier budget fédéral équilibré depuis 1969-1970, soit près de 30 ans auparavant(5).
Même si l’examen des programmes de 1995 était axé sur les dépenses, un questionnaire similaire pourrait être utilisé pour faire le point sur la réglementation existante. Il permettrait de déterminer les règlements qui ne sont pas nécessaires et qui peuvent être abrogés, réduisant ainsi le fardeau réglementaire comme on a réduit les dépenses publiques à l’époque. Le Tableau 1 présente une courte liste de questions qui devrait figurer dans un tel examen.
D’abord, le gouvernement doit clairement énoncer le but de chaque règlement et définir l’enjeu qu’il vise à résoudre. S’il est incapable d’expliquer la pertinence de l’intervention — parce que l’enjeu a perdu de son importance, par exemple, ou a été réglé — l’exigence réglementaire devrait être supprimée.
Ensuite, l’intérêt public et les avantages que le gouvernement s’attend à tirer du règlement doivent être examinés. À cet égard, les règlements qui favorisent un groupe restreint au détriment du grand public doivent être soumis à un examen minutieux, car ils risquent de ne pas répondre à ce critère. Si le règlement ne sert pas l’intérêt public, là encore, il y a lieu de le supprimer.
Troisièmement, le gouvernement fédéral doit déterminer s’il est de son ressort de s’attaquer à cet enjeu. Il doit évaluer si d’autres paliers de gouvernement (provincial ou municipal) sont mieux placés pour se charger de la question ou s’il existe des solutions non gouvernementales, y compris celles qui sont déjà mises en œuvre ou en cours de planification. Si l’enjeu relève davantage d’autres organismes ou de la société civile, alors le règlement fédéral devrait être abrogé.
Ensuite, il faut déterminer l’incidence économique du règlement. Cela comprend les coûts financiers directs ainsi que d’autres coûts économiques, comme l’effet sur la création de nouvelles entreprises. Si les coûts sont jugés trop élevés, là encore, l’exigence réglementaire mérite d’être abolie.
Cinquièmement, le gouvernement doit déterminer s’il existe une autre option viable en matière de politique fédérale qui offrirait une solution moins coûteuse ou moins intrusive à l’enjeu identifié par le gouvernement. Il doit tenir compte non seulement des coûts économiques, mais aussi des effets sur la liberté économique et les droits individuels. Si une solution moins coûteuse ou moins intrusive existe, elle devrait remplacer le règlement existant.
Enfin, le gouvernement doit déterminer si le règlement génère un bénéfice net, en tenant compte non seulement des avantages prévus, mais aussi des coûts pour les entreprises, les consommateurs et l’économie. Autrement dit, même si un règlement sert l’intérêt public, relève de la compétence du gouvernement fédéral et satisfait à toutes les autres conditions, il doit quand même être abrogé s’il ne procure aucun bénéfice net, c’est-à-dire si les coûts totaux qui en découlent, économiques et autres, excèdent les avantages.
Conclusion
Cette proposition de questionnaire permettrait de responsabiliser le gouvernement fédéral en l’obligeant à démontrer que chaque règlement en vigueur poursuit un objectif justifiable à un coût minimal. L’examen des règlements en place au moyen de ces questions permettrait de cibler et d’éliminer les exigences négatives ou redondantes. Les gouvernements futurs devraient également être tenus de se poser ces questions avant d’introduire de nouvelles exigences réglementaires.
Étant donné la multiplication constante de la réglementation dans l’ensemble des secteurs économiques et des répercussions négatives observées du fardeau réglementaire accru, il est essentiel d’évaluer rigoureusement l’incidence de chaque règlement sur l’économie. Plus on pourra éliminer de règlements, notamment ceux qui ont une incidence négative importante, plus les entreprises canadiennes auront de possibilités de prospérer. Ce grand ménage libérera également de l’espace pour l’arrivée de nouvelles entreprises sur le marché, ce qui favorisera une économie plus concurrentielle et, par conséquent, un niveau de vie plus élevé pour les ménages canadiens.
Références
- Wulong Gu, « Accumulation d’exigences réglementaires, dynamisme des entreprises et croissance économique au Canada », Statistique Canada, 10 février 2025, p. 22; Bentley Coffey, Patrick A. McLaughlin et Pietro Peretto, « The Cumulative Cost of Regulations », Review of Economic Dynamics, vol. 38, octobre 2020, p. 15-16.
- Soit une augmentation de 2,1 % par an. Wulong Gu, ibid., p. 9 et 22.
- Gouvernement du Canada, Énoncé économique de l’automne 2018, 21 novembre 2018, p. 75-80.
- Geneviève Tellier, « The Canadian Federal 1994–1996 Program Review: Appraising a Success 25 Years Later », dans Evert Lindquist et al. (dir.), Policy Success in Canada: Cases, Lessons, Challenges, Oxford, 2022, p. 416-417.
- Gouvernement du Canada, « Budget en bref », 27 février 1995, p. 4; Lydia Miljan, Tegan Hill et Niels Veldhuis, « Spending Reductions and Reform: Bases for the Success of the 1995 Budget », dans William Watson (dir.), The Budget That Changed Canada: Essays on the 25th Anniversary of the 1995 Budget, Institut Fraser, 27 février 2020, p. 16-17; Gouvernement du Canada, Le plan budgétaire de 1998, 24 février 1998, p. 7.