Ce n’est pas avec les ingrédients d’une tourtière qu’on fait un gâteau
Le système de santé craque de partout. On attend des heures aux urgences, des semaines pour des rendez-vous et des mois pour des opérations. C’est à croire que les patients et patientes du Québec portent bien leur nom. Comme si cela ne suffisait pas, l’attente s’allonge de plus en plus.
Certainement, il n’y a pas de quoi être fier.
Réformer notre système de santé est donc une urgence. Cette urgence ne date pas d’hier non plus. Le débordement des urgences faisait déjà la une en 2010, en 2000, en 1990 et même en 1980. Cela fait plus de 40 ans qu’on en parle et que rien ne change.
Le gouvernement de François Legault – c’est tout à son honneur – reconnaît que des changements en profondeur sont nécessaires. Malheureusement, certains groupes semblent penser que tout va trop vite, et s’inquiètent du fait que le gouvernement se soit montré prêt à utiliser des établissements de soins qui ne sont pas gérés par l’État. Selon eux, nous ne voudrions pas tous le même gâteau. Pourtant, il y a fort à parier que les 64 214 Québécois et Québécoises qui ont passé plus de 48 heures aux urgences l’an dernier vous diraient de prioriser l’accès rapide à des soins de qualité avec leur carte-soleil. Et si vous interrogiez les 49 041 personnes qui languissent depuis plus de six mois sur une liste d’attente en chirurgie, ils vous donneraient probablement la même réponse : ils veulent avoir accès aux soins dont ils ont besoin, et ce, rapidement. Même chose pour les 4000 aînés qui attendent une place dans un établissement de soins de longue durée.
Pour reprendre l’analogie, le gâteau que le ministre Christian Dubé propose aux Québécois et Québécoises, c’est un accès universel et plus rapide aux soins de santé, sans avoir à sortir la carte de crédit. Cela ressemble à ce que les citoyens et citoyennes demandent depuis bien longtemps.
Bien que tous ne s’entendent pas sur la recette – certains préconisant la continuité de l’approche du « tout-à-l’État » qui caractérise notre système de santé depuis un demi-siècle –, il est cependant très clair que si l’on ne change pas les ingrédients, les résultats ne seront pas différents. Quelle que soit la façon dont on mélange les ingrédients d’une tourtière, ils ne donneront jamais un gâteau au chocolat.
Les Québécois et Québécoises ne sont pas bêtes : ils voient bien que la situation ne peut plus continuer. Ce n’est pas pour rien que les trois quarts d’entre eux sont ouverts à essayer ce qu’on appelle un système de santé mixte, un peu comme ce qui se fait en France et en Suède, notamment. La particularité de ces systèmes est qu’ils donnent accès aux soins prodigués tant dans des établissements gérés par le gouvernement que dans des établissements gérés par des entrepreneurs indépendantes.
L’idée est que, s’il coûte un montant X pour réaliser une opération dans un hôpital en ce moment, et qu’une clinique indépendante est prête à la faire pour le même montant, nous serions fous de nous passer de son expertise. Nous serions tout aussi fous de nous passer de l’augmentation de la capacité rendue possible par le simple fait de disposer de plus de blocs opératoires pouvant fonctionner simultanément.
À cela viennent s’ajouter de potentiels gains en efficacité, provenant du fait que les entrepreneurs indépendants peuvent essayer de nouvelles façons de faire. Déjà, avec les projets pilotes de partenariats entre les hôpitaux gouvernementaux et les cliniques médicales spécialisées indépendantes, les chirurgiens ont pu noter une hausse de leur productivité de l’ordre de 20 à 40 pour cent, grâce aux nouvelles méthodes employées par ces établissements indépendants.
C’est sur ces façons de faire éprouvées et sur l’exemple des systèmes mixtes d’autres pays que le gouvernement Legault s’est basé pour l’élaboration de son projet de mini-hôpitaux.
Seul le temps nous dira si la recette que nous propose le ministre Dubé est la bonne. Il est clair cependant que le choix des ingrédients s’approche de ce que les Québécois et Québécoises demandent et de ce dont ils ont besoin.
Emmanuelle B. Faubert est économiste à l’IEDM. Elle signe ce texte à titre personnel.