Textes d'opinion

Carney: nouveau chef, même menu

Le Canada a enfin un nouveau premier ministre.

Depuis que Justin Trudeau a annoncé sa démission, les dirigeants européens ont mis en branle un important programme de dépenses militaires afin de se préparer à faire face aux défis d’un monde qui change rapidement.

De notre côté, nous risquons plutôt de faire du pareil au même en espérant des résultats différents.

Prenons l’exemple des trois « petits déficits » promis par Justin Trudeau. On aurait pu croire que l’échec monumental de cette politique visant supposément à stimuler la croissance serait mort et enterré. Or, Mark Carney continue de croire que l’endettement s’avérera cette fois salutaire.

On dit que le passé est souvent garant de l’avenir. Observons donc brièvement ce que ces « trois petits déficits » sont devenus : sous le gouvernement libéral, la dette fédérale est passée de 693,8 G$ à 1402,7 G$.

On en comprendra bien évidemment que le gouvernement a sans aucun doute respecté son engagement de rompre avec l’équilibre budgétaire. Mais l’économie s’en porte-t-elle mieux?

Pas vraiment. En réalité, le niveau de vie des Canadiens et des Canadiennes est en stagnation. En comparant la performance de notre économie aujourd’hui par rapport à 2015, on constate qu’on est, en moyenne, autour de 2,5 % plus prospère.

Le reste du monde, lui, a continué à croître, si bien que nous sommes en perte de vitesse.

Le gouvernement Trudeau s’est également démarqué par son attitude envers le développement de nos ressources naturelles. En effet, l’atteinte de cibles environnementales l’a emporté sur notre développement économique au cours des dernières années. Aujourd’hui, il est facile de constater à quel point cela représente une occasion historique que nous avons ratée.

En effet, une capacité d’exporter nos ressources pétrolières et gazières vers l’Europe ou un plus grand éventail de pays asiatiques nous permettrait non seulement de nous sevrer en partie de notre dépendance envers un seul partenaire commercial de plus en plus imprévisible, mais elle permettrait également au Canada de regagner un peu de pertinence sur l’échiquier mondial.

L’approche voulant qu’Ottawa doit taxer, dépenser et réglementer notre prospérité a été essayée et n’a pas donné les résultats promis. Il est temps de repenser le rôle du gouvernement fédéral dans nos vies.

Or, Mark Carney incarne la perpétuation de cette approche. Après tout, il a cofondé la « Net Zero Banking Alliance » en 2021. Si les grandes institutions financières désertent désormais cette organisation alors que l’Occident et ses citoyens constatent qu’ils ont des considérations nettement plus importantes, il serait surprenant que Carney change son fusil d’épaule.

Après tout, il continue de proposer une taxe sur le carbone visant le secteur industriel, ainsi qu’une taxe à l’importation qui augmentera le coût des biens de consommation.

Cette lubie de transformer l’économie canadienne et celle du monde entier du jour au lendemain par des diktats gouvernementaux risque donc d’exacerber le déclin relatif de notre niveau de vie.

Actuellement, ce n’est pas tant de sobriété énergétique que nous avons besoin que de sobriété émotionnelle. L’ère Trump 2.0 est déconcertante pour nous tous. Il peut être tentant de se chercher un sauveur. Or, le salut ne réside pas dans un individu en particulier, mais bien dans les idées qui sont implantées.

L’approche voulant qu’Ottawa doit taxer, dépenser et réglementer notre prospérité a été essayée et n’a pas donné les résultats promis.

Il est temps de repenser le rôle du gouvernement fédéral dans nos vies, comme l’ont fait Jean Chrétien et Paul Martin il y a 30 ans. Or, cette fois-ci, il faudra encore davantage prendre en compte certaines réalités : le Canada devra vraisemblablement dépenser davantage pour sa défense nationale, et nous devenons de moins en moins attrayants pour les investisseurs à cause du fardeau fiscal et réglementaire nettement plus élevé que chez nos voisins du Sud.

Pour bâtir un Canada plus prospère, il faudra bien accepter que le gouvernement fédéral en vienne à s’immiscer et à dépenser nettement moins dans les sphères de compétences provinciales. Cela met évidemment en question les moult mesures phares du Parti libéral du Canada, qui s’est intéressé comme jamais auparavant aux programmes sociaux dont la responsabilité revient aux provinces.

S’il veut réellement lancer le Canada sur une nouvelle voie, Carney devra être prêt à défaire de grands pans de l’héritage de Justin Trudeau et à accepter que la pierre angulaire de son engagement politique, c’est-à-dire l’atteinte de cibles environnementales, nous fasse tout simplement perdre du terrain et nous affaiblisse inexorablement.

Dans l’éventualité où il refuse de le faire, les Canadiens devront reconnaitre que les politiques qui nous ont amenées jusqu’ici ne sont pas celles qui vont nous sortir du pétrin. Bien au contraire.

Daniel Dufort est président et directeur général de l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

Back to top