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Textes d'opinion

Bois d’œuvre canadien: un conflit qui nuit aux consommateurs et aux producteurs

Le conflit sur le bois d’œuvre canadien avec les États-Unis dure maintenant depuis une quarantaine d’années, soit déjà trop longtemps.

Malgré les revers des décideurs politiques et producteurs américains face au Canada auprès de l’OMC et de l’ancien ALENA, leurs accusations de production subventionnée se maintiennent. Ces accusations ont notamment donné lieu à la mise en place de tarifs douaniers sur le bois d’œuvre canadien, qui ont nui à l’industrie de la foresterie, en particulier dans des régions comme le Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ces mesures ont des répercussions importantes sur l’économie régionale, puisque le nombre d’emplois lié au secteur forestier en 2020 s’élevait à 56 815 pour le Québec seulement. Plus largement, ces tarifs sont contreproductifs, car ils font mal aux deux économies. Du côté canadien, ce sont les producteurs qui souffrent, tandis que du côté américain, ceux qui en payent le prix sont les consommateurs.

Les conséquences au Canada, surtout dans les régions où le secteur forestier représente un pan important de l’économie, se font ressentir du côté des exportations de nos producteurs de bois d’œuvre. Une étude suggère qu’avec un tarif à l’importation de 20,83 %, la baisse de production de bois d’œuvre s’élève à 71 000 m3, soit un peu moins de 18 charpentes de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Nos projections avancent que de 2017 à 2027, ce sont 3 milliards de dollars américains en valeur d’exportation qui seront perdus par les producteurs d’ici. En plus de faire mal aux entrepreneurs du Québec et du Canada, cette perte ne sera même pas compensée par une hausse de production chez nos voisins du sud.

Sans grande surprise, les producteurs américains ont profité de ces tarifs douaniers en augmentant leur production locale de la ressource. Les tarifs douaniers imposés ont coûté, de 2017 à 2021, environ 5,6 milliards de dollars aux producteurs d’ici pour exporter la ressource. Il faut cependant rappeler que nos voisins du sud dépendent du bois d’œuvre canadien : 84 % des exportations de cette ressource se sont dirigées aux États-Unis en 2021.

Les consommateurs américains sont les grands perdants

Qui plus est, cette mesure imprégnée de protectionnisme mise en place par le président Trump et maintenue par le président Biden – malgré une réduction de 17,91 % à 11,64 % – affecte directement et durement les consommateurs américains.

Malgré l’augmentation de la production interne du bois d’œuvre américain, les consommateurs américains ont accès à une ressource au prix gonflé. En effet, ils perdent 26 fois plus que les producteurs canadiens, qui réussissent assez bien à trouver preneurs pour leurs bois d’œuvre. Les consommateurs au sud de la frontière ont perdu 1,5 milliard de dollars en bien-être en 2017, à cause entre autres des tarifs imposés par les décideurs politiques. Autrement dit, les Américains achetant à prix plus élevés les produits dérivés du bois d’œuvre subventionnent en quelque sorte les producteurs américains, qui engrangent les profits. Puisque l’on trouve une perte nette dans la production, car l’augmentation de la production de l’industrie du bois d’œuvre américaine ne compense pas la baisse canadienne, la quantité de la ressource diminue et les prix sont tirés à la hausse.

Les dirigeants politiques américains doivent prendre acte de la situation et éliminer les tarifs douaniers sur la ressource, qui pèsent lourdement sur la population. Avec une inflation galopante atteignant les  8,6 % pour le mois de mai, un sommet en plus de 40 ans, les ménages ont urgemment besoin d’avoir accès à des matériaux de première qualité, et à bas prix. La hausse du coût de la vie sévit, et le retrait de ces tarifs permettrait de réduire la pression sur les coûts de construction et de donner un peu de répit aux familles américaines.

Gabriel Giguère est analyste en politiques publiques à l’IEDM et Olivier Rancourt est économiste à l’IEDM. Ils sont les auteurs de « Bois d’œuvre canadien: un conflit qui coûte cher aux consommateurs et aux entreprises » et signent ce texte à titre personnel.

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