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Textes d'opinion

Assurer la vitalité du français au Québec

En 2000, les États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec documentaient les progrès fulgurants de la vitalité de la langue française depuis les années 1960. L’optimisme était de mise, mais il fut de courte durée. À tel point que les gouvernements provincial et fédéral proposent maintenant une nouvelle ronde d’interventions afin de promouvoir la langue. La véritable question reste toutefois de savoir comment convaincre un plus grand nombre de personnes de parler le français couramment.

Tout d’abord, il faut prendre en compte que la connaissance d’une langue est une forme de capital humain qui permet d’augmenter le salaire d’un individu. Concrètement, la connaissance d’une langue produit un effet équivalent à une année d’éducation supplémentaire. Ainsi, la décision d’utiliser une langue plutôt qu’une autre est largement une question de rendement pour l’individu.

En ce sens, une réalité inéluctable s’impose en ce qui a trait à l’utilisation de la langue: si les membres d’un grand groupe linguistique sont très instruits et très productifs, le rendement économique issu de l’utilisation de cette langue sera plus important que si ce groupe était petit et peu instruit.

Avant 1940, les francophones étaient relativement peu instruits par rapport aux anglophones. Ainsi, les capitaux étrangers qui entraient au Québec avaient tendance à se diriger vers les travailleurs anglophones, plus scolarisés et productifs. Cela avait créé un écart salarial en faveur des anglophones qui incitait les immigrants à apprendre l’anglais avant le français. En même temps, les francophones étaient portés à vouloir apprendre l’anglais, alors que les anglophones voyaient peu de raisons d’apprendre la langue française.

À partir de 1940, les Québécois francophones amorcèrent un rattrapage en matière d’éducation, ce qui favorisa un mouvement de capitaux vers les travailleurs francophones et une diminution de l’écart salarial avec les anglophones. En 1941, un travailleur unilingue francophone gagnait en moyenne 73% du salaire d’un travailleur anglophone. En 1971, cette proportion était passée à 84%. En 2000, il n’y avait plus d’écart du tout.

Au cours de la même période, le taux de bilinguisme chez les anglophones et les allophones avait également commencé à augmenter. Ainsi, entre 1951 et 1971, l’utilisation du français chez les non-francophones avait augmenté de dix points de pourcentage. Après 1971, ces augmentations ont continué plus ou moins à la même vitesse. Bien que la loi 101 y soit pour quelque chose, force est d’admettre que le rattrapage était bel et bien entamé avant l’adoption de la loi en 1977. En d’autres mots, qui dit vitalité économique dit vitalité linguistique.

Alors que de nouvelles mesures sont envisagées, pourquoi ne pas tirer des leçons du passé? Notre système d’éducation demeure profondément imparfait. À preuve, les francophones accusent toujours un retard au chapitre du taux de diplomation au secondaire: 75% pour les francophones contre 84,5% chez les anglophones. Pourquoi ne pas nous attaquer à ce chantier?

Les mesures coercitives ont peu de chances d’atteindre l’objectif visé. C’est plutôt le chemin détourné de la vitalité économique qui nous mènera à bon port.

Vincent Geloso est chercheur associé à l’IEDM et l’auteur de « Protéger le français autrement ». Il signe ce texte à titre personnel.

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