Amazon: laissons les consommateurs choisir
À l’ère numérique, qui peut encore prétendre n’avoir jamais magasiné sur Amazon? Bien peu d’individus. Cette entreprise présente dans d’innombrables pays figure aujourd’hui parmi les plateformes transactionnelles préférées des Québécois: 48 % de leurs dépenses en ligne sont faites sur Amazon.
Devant cette adoption claire par la population, le ministre de l’Économie du Québec se dit inquiet de la place grandissante d’Amazon et compte concurrencer cette plateforme avec Le Panier Bleu. Son inquiétude s’inscrit sur trame de fond d’un nationalisme économique sans bénéfice pour la population.
Faire leurs choix
Les Québécois sont en mesure de faire leurs propres choix de consommation, et le gouvernement ne devrait pas émettre de jugement de valeur quant au véhicule de consommation. Si l’offre de service d’Amazon est plus intéressante pour les consommateurs que celle de ses concurrents, il s’avère tout à fait normal que ceux-ci choisissent d’utiliser cette plateforme. N’oublions pas, et c’est là un aspect central, que les Québécois sont libres d’acheter où bon leur semble, que ce soit en ligne ou en magasin, à quelques exceptions près pendant la pandémie.
Plutôt que de laisser l’offre et la demande déterminer les entreprises gagnantes et perdantes, le gouvernement décide d’investir plusieurs millions de dollars des familles québécoises pour « ralentir » la croissance d’Amazon dans la province. Au lieu de créer une concurrence artificielle à cette multinationale en développant davantage Le Panier Bleu, les millions de dollars en fonds publics qui y seront prochainement versés devraient rester dans les poches des Québécois, qui en bénéficieraient davantage de cette manière avec la flambée du coût de la vie.
Qui plus est, la faible utilisation du Panier Bleu, à hauteur de 14 % seulement des adultes de la province, démontre d’une part que l’intérêt des consommateurs n’est pas au rendez-vous, et d’autre part que le gouvernement s’entête dans son nationalisme économique, qui se traduira potentiellement en gouffre financier.
Réponse souhaitable
La seule réponse souhaitable à la place grandissante d’Amazon est le marché, et non l’intervention gouvernementale. Si une nouvelle plateforme transactionnelle émerge et propose une offre de service plus intéressante pour les consommateurs, ceux-ci iront rationnellement du côté de cette nouvelle entreprise. Les décideurs politiques doivent donc s’assurer qu’il n’y a pas de barrière à l’entrée de nouveaux acteurs, ce qui permettra d’ailleurs l’innovation du secteur. Si une nouvelle entreprise, québécoise ou non, s’emparait demain matin de parts importantes du marché d’Amazon au Québec, il n’y aurait pas lieu de porter un jugement de valeur sur le nouveau choix de la population, n’en déplaise à nos politiciens. N’oublions pas que les gagnants sont les consommateurs, qui pourraient par exemple acheter des biens à coût moindre et les recevoir plus rapidement.
La question n’est donc pas de savoir si la plateforme sur laquelle la population achète est québécoise, mais plutôt si les consommateurs en ont pour leur argent et sont satisfaits des services. Y trouvent-ils leur compte? Une réponse par la négative représente une occasion d’affaires pour les entrepreneurs, mais une réponse par l’affirmative ne doit certainement pas être vue comme une occasion d’affaires pour le gouvernement.
Gabriel Giguère est analyste en politiques publiques à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.