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Textes d'opinion

À ne pas prescrire : la nouvelle réforme du prix des médicaments

Texte d’opinion publié en primeur sur notre site.

L’entrée en vigueur de la réforme hautement contestée du régime fédéral de tarification des médicaments est prévue pour janvier 2022. Les critiques de ces changements majeurs, dont des groupes de patients, des médecins et des universitaires, espèrent que le nouveau cabinet fédéral prendra leurs préoccupations à cœur et que la nouvelle équipe libérale cherchera à stimuler le secteur de manière bénéfique pour les patients plutôt que d’étouffer l’innovation pharmaceutique.

La réforme concerne le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB), l’agence fédérale dont le but est de s’assurer que les médicaments ne sont pas vendus à des prix excessifs et d’empêcher l’utilisation abusive de brevets de médicament. L’une des façons dont le Conseil accomplit sa mission est d’établir un plafond des prix selon des lignes directrices précises et ce sont ces lignes directrices qui sont appelées à changer avec la nouvelle réforme. Les préoccupations découlent principalement de l’introduction de facteurs économiques « expérimentaux », tels que la valeur pharmacoéconomique, la taille du marché et le PIB par habitant dans l’évaluation du prix d’un médicament breveté.

L’évaluation actuelle du Conseil ajoute déjà jusqu’à trois ans de délai supplémentaire entre l’approbation d’un médicament par Santé Canada et le moment où un remboursement est effectué par les régimes d’assurance provinciaux. Ces facteurs supplémentaires vont forcément complexifier un processus qui est déjà lent, et faire du Canada une exception internationale sur le plan du processus d’approbation. La situation risque de décourager les investissements, les essais cliniques et la mise en marché de nouveaux médicaments. Conséquemment, ces réformes pourraient compromettre la disponibilité de nouveaux médicaments, et ce, au grand détriment des patients. En effet, la multiplication des étapes réglementaires complique le processus d’approbation et pourrait pousser les entreprises à introduire leurs médicaments dans les pays où la démarche est plus souple. Pendant ce temps, les patients malades au Canada sont privés de médicaments qui pourraient leur sauver la vie.

En plus de cette complexification qui provoque les critiques, le CEPMB ne respecte même pas toujours son mandat lorsqu’il détermine si le prix d’un nouveau médicament breveté est excessif. L’affaire qui implique la Cour d’appel fédérale (CAF) et SOLIRIS, un médicament révolutionnaire pour traiter les patients atteints d’une maladie sanguine très rare, n’est qu’un exemple de cette divergence.

Lorsque le CEPMB a conclu que le prix de vente du SOLIRIS était excessif, l’affaire a été portée devant la CAF, qui a sévèrement critiqué le Conseil pour son manque de transparence et pour s’être écarté de ses lignes directrices. La CAF a jugé que le CEPMB avait « mal compris son mandat, qui vise à contrôler les abus en matière de brevets et non pas à fixer des prix raisonnables, à réglementer les prix ou à protéger les consommateurs en général. »

En effet, le prix le plus élevé acceptable de SOLIRIS au moment de sa mise en marché aurait dû être le prix médian des sept pays de comparaison nommés dans le Règlement sur les médicaments brevetés. Le Conseil a plutôt décidé d’instituer, pour une première fois, un prix de référence correspondant au prix international le plus bas.

Cette divergence arbitraire provoque des maux de tête supplémentaires aux fabricants de médicaments qui doivent déjà franchir de nombreuses étapes fastidieuses avant de pouvoir vendre leurs médicaments sur le marché canadien. Une telle imprévisibilité réglementaire, conjuguée aux facteurs économiques supplémentaires à prendre en compte dans notre pays, pourrait décourager les sociétés pharmaceutiques de faire une demande d’approbation au Canada. Si cela devait se produire, certains patients souffrants pourraient ne jamais recevoir le meilleur traitement dont ils ont besoin.

Les fabricants de médicaments ont déjà proposé des solutions de rechange qui favoriseraient l’atteinte d’un équilibre entre les objectifs de fixation de prix raisonnables, l’incitation au développement de médicaments brevetés et l’accès rapide aux traitements novateurs pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes. Plus précisément, les fabricants ont recommandé de tout simplement omettre les nouveaux facteurs économiques du nouveau régime, puisque la tarification excessive peut être contrecarrée par le biais d’autres outils réglementaires.

La mise en œuvre du nouveau régime du CEPMB approche à grands pas et le temps presse pour que le nouveau cabinet libéral reconsidère sa position, étant donné les conséquences désastreuses de cette réforme. Le bien-être des patients qui dépend de l’innovation et du développement de l’industrie pharmaceutique canadienne devrait les inciter à agir rapidement.

Krystle Wittevrongel est analyste en politiques publiques à l’IEDM et Maria Lily Shaw est économiste à l’IEDM. Elles signent ce texte à titre personnel.

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