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Textes d'opinion

Comment moderniser l’industrie du taxi

Le gouvernement du Québec doit bientôt déposer un projet de loi afin de moderniser l’industrie du taxi. Sur quels principes devrait se baser une nouvelle réglementation qui servira de cadre pour les innovations futures dans le secteur?

Au Québec, comme dans bien d’autres endroits dans le monde, il est obligatoire de posséder un permis pour faire du taxi. Pendant longtemps, cela a entraîné un manque de concurrence et ses effets : mauvais service, voitures malpropres, absence d’innovations, discrimination et suivi insatisfaisant des plaintes.

Parce que le nombre de permis n’a pas suivi l’augmentation de la population et des revenus, leur valeur a fortement augmenté avec les années, jusqu’à dépasser les 200 000 $ par permis à Montréal. Même si cette valeur a baissé depuis, elle représente encore une barrière considérable à l’entrée dans cette industrie. La majorité des chauffeurs sont ainsi contraints à louer un permis, ce qui affecte négativement leurs revenus nets, mais représente une source majeure de revenus pour les propriétaires.

C’est dans ce contexte que l’entreprise Uber est entrée sur le marché québécois. Après bien des atermoiements, le gouvernement a démarré un projet-pilote avec Uber. Aujourd’hui, alors que la valeur des permis de taxis a chuté et que le public semble satisfait de l’offre accrue dont il bénéficie, l’industrie est à la croisée des chemins : le projet-pilote sera bientôt remplacé par une loi qui encadrera non seulement Uber mais toutes les autres entreprises fournissant des services semblables, ce qui inclut le taxi.

Le tournant de l’innovation 

Le gouvernement doit profiter de cette occasion pour assouplir sa réglementation et permettre l’innovation. Les raisons plaidant en faveur d’une réforme en ce sens de l’industrie du taxi sont nombreuses.

D’abord, il ne fait aucun sens d’un point de vue économique d’avoir à acheter le droit de produire ou de travailler dans un domaine, pas plus qu’il y en a à limiter le nombre de personnes qui ont ce droit; ce qui ne serait pas acceptable pour les comptables ou les mécaniciens ne l’est pas davantage pour les personnes qui désirent en transporter d’autres. Ensuite, les technologies qui ont permis la création d’Uber sont là pour rester, et les innovations vont continuer à arriver sur le marché. Celles-ci ont permis une réduction importante des coûts pour les consommateurs et devraient être encouragées, de même que la concurrence accrue, qui a mené à une amélioration de l’expérience client.

Deux grands principes devraient guider la réforme annoncée. Le premier est l’abolition de toute forme de permis liés à des quotas, dont l’effet principal a été de créer toutes sortes de distorsions coûteuses pour le consommateur, tout en empêchant l’industrie d’évoluer.

Le second est celui de la simplicité et de la souplesse, afin d’accommoder toutes les innovations récentes, mais aussi celles à venir, qu’elles soient prévues aujourd’hui ou non. On peut penser à la voiture autonome, qui fera tôt ou tard partie de l’équation. Cette souplesse de la réglementation devrait inclure la tarification, qui serait laissée au marché, ainsi que le choix du modèle d’affaires : le gouvernement ne devrait pas légiférer sur les organisations contractuelles entre les différents acteurs du secteur, comme il le fait présentement pour les entreprises de taxi et les chauffeurs. On devrait aussi laisser la plus grande latitude dans la façon de livrer les services. Par exemple, il est présentement interdit de prendre des passagers à des endroits différents sur un même trajet.

La mise en application d’un nouvel environnement pour l’industrie, où les permis ne seraient plus requis, devra aussi tenir compte du fait que bien des chauffeurs ont acheté ces permis en toute bonne foi, avec l’assurance de pouvoir les revendre, par exemple à leur retraite. Les permis ont déjà été abolis ailleurs et des mécanismes intelligents de compensation ont été mis sur pied.

Conclusion

« [On] ne devrait jamais s’occuper de l’intérêt du producteur, qu’autant qu’il le faille seulement pour favoriser l’intérêt du consommateur », écrivait un grand économiste. Cette évidence devrait être la base de toute réforme proposée par l’État. Alors que la réglementation actuelle, moribonde, vise avant tout à favoriser les propriétaires de permis de taxis, le nouveau cadre de l’industrie devrait encourager l’innovation et avoir comme objectif de maximiser le bien-être de ceux qui sont souvent laissés pour compte, soit ceux pour qui ce service existe : les consommateurs.

Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il est l’auteur de « Comment moderniser l’industrie du taxi » et signe ce texte à titre personnel.

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