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Textes d'opinion

Amour et économie, même combat?

Pour plusieurs, l’économie n’est qu’une question d’argent. C’est faux. La science économique ne s’intéresse à l’argent que comme moyen — parmi d’autres — pour parvenir à nos fins. D’ailleurs, en cette Saint-Valentin, il importe de souligner que l’étude des choix individuels et de leurs conséquences — ce qu’est l’économie — peut être appliquée aussi bien aux dilemmes amoureux qu’aux choix de placement ou aux décisions de consommation.

Dans tous ces cas, nos décisions sont fondées sur des préférences individuelles subjectives. Il est donc tout à fait plausible, par exemple, qu’une personne choisisse un partenaire amoureux imparfait sur certains plans, s’il se distingue par ailleurs par d’autres caractéristiques souhaitables au regard de ses préférences.

D’ailleurs à ce propos, je vous invite à lire cette « lettre » humoristique qui circule depuis plusieurs années sur Internet, dans laquelle un conseiller financier explique à une femme qui demande conseil pour rencontrer un homme riche que, en termes économiques, l’échange que propose cette femme — argent contre beauté — est une mauvaise affaire, notamment parce que ladite femme serait un « passif qui subit une dépréciation »… (Bien évidemment, il s’agit probablement d’une blague et je n’endosserais pas ce genre de raisonnement purement cynique, froid et calculateur s’il s’avérait.)

L’un tente de séduire l’autre et de se « vendre ». Un couple ne se formera (une transaction ne se réalisera) que si chacun y trouve son compte. Le jour où la nature de la relation rendra malheureux l’un des deux partenaires, ce sera la rupture.

La dynamique entre un vendeur (l’offre) et un acheteur (la demande) est la même: une transaction ne peut avoir lieu que si elle avantage les deux parties. Si l’une d’elles impose à l’autre des conditions qui ne la satisfont pas, l’échange n’aura pas lieu. Bref, si un vendeur est incapable de satisfaire ses clients, ils iront voir ailleurs.

En effet, ces sites facilitent la rencontre d’offreurs et de demandeurs, comme l’IEDM le soulignait déjà en 2008 dans le cadre d’une publication sur le sujet, et permettent de diminuer le coût de renonciation (ou de renoncement), un concept-clé en économie.

La drague classique étant une activité coûteuse en temps, les sites de rencontre réduisent ce coût de recherche d’un partenaire. D’ailleurs, l’efficacité accrue des sites de rencontre est une incitation économique qui favorise la participation de plus d’hommes et de femmes en situation financière aisée, d’où le nombre grandissant de sites de rencontre qui se disent « élite » ou « premium » et qui proposent une clientèle d’un certain niveau d’éducation et de revenus.

On peut même faire des parallèles avec les politiques publiques. Il est inutile, par exemple, d’essayer d’empêcher un homme et une femme de se voir lorsqu’ils s’aiment. Parallèlement, ce n’est pas parce qu’une loi interdit un échange qu’il n’aura pas lieu. Si l’échange est avantageux pour les parties concernées, elles trouveront toujours le moyen de le réaliser, quitte à transiger… sur le marché noir.

Maintenant, si vous voulez passer une soirée romantique avec votre être cher à la Saint-Valentin, amorcer une discussion intellectuelle sur ce que vous venez de lire n’est peut-être pas quelque chose que je vous recommanderais.

Et d’ailleurs, ce texte n’a aucunement pour but de minimiser l’importance des sentiments et des émotions humaines, dont la complexité et la portée dépassent de loin le cadre d’analyse purement économique. Mais simplement de souligner que certains comportements, dans ces deux sphères de la vie, peuvent s’apparenter. Et qu’il est toujours bon de se rappeler une chose: en amour comme en économie, tout repose sur des échanges mutuellement avantageux.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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