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Textes d'opinion

Salaire minimum : l’Ontario a bien fait d’annuler la hausse à 15$

Bien des politiciens et des groupes de pression prônent une augmentation rapide du salaire minimum au nom de la justice sociale. C’est ignorer le résultat des expériences passées. La nouvelle ministre du Travail de l’Ontario, Laurie Scott, a fait contrepoids à ce discours en annulant la hausse à 15$ prévue pour janvier 2019 et en rappelant que le salaire minimum devrait être déterminé «en fonction de l’économie, et non de la politique». Il s’agit d’un compromis raisonnable qui évitera de nuire davantage aux travailleurs au bas de l’échelle, et plus particulièrement aux jeunes.

Le salaire minimum avait déjà bondi de 11,60 à 14$ en Ontario au début de 2018. Des effets néfastes se font déjà ressentir, en dépit de la vigueur de l’économie. Cela peut s’expliquer par la hausse importante du ratio du salaire minimum sur le salaire moyen. L’expérience québécoise, pendant les années 1970, a notamment montré que le nombre d’emplois diminuait si ce ratio était trop élevé.

56 000 emplois en moins depuis un an

En Ontario, la hausse de janvier 2018 a fait passer ce ratio de 43 à 51% du salaire horaire moyen, bien au-delà du seuil de 45% qui limite les effets sur l’emploi. On n’est donc pas surpris de constater que le taux d’emploi chez les travailleurs âgés de 15 à 24 ans, qui suivait une tendance à la hausse depuis un bon moment, a baissé dès l’adoption de la loi augmentant le salaire minimum, en novembre 2017.

Entre l’adoption et septembre 2018, on a de plus observé une hausse de 5,6% du prix des repas au restaurant, un secteur où près de 70% des travailleurs gagnaient moins de 15$ de l’heure avant l’adoption de la loi. Cette hausse de prix est plus de trois fois supérieure à celle observée dans les autres provinces pendant la même période.

Enfin, on peut aussi s’attendre à ce que les impacts de la hausse du salaire minimum aient été plus importants en région, où le salaire moyen est généralement plus bas. Les travailleurs qui y résident sont ainsi plus à risque de perdre leur emploi, ou encore de subir une réduction du nombre d’heures travaillées ou de leurs avantages sociaux.

Augmenter le salaire minimum ne réduit pas la pauvreté

Bien que cela puisse sembler paradoxal, la quasi-totalité des études montre qu’augmenter fortement le salaire minimum ne réduit pas la pauvreté; cela affecte majoritairement des individus qui ne sont pas en situation de faible revenu, et contribuerait même à faire croître la pauvreté, en raison des emplois qu’elle fait disparaître.

Un rapport du Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario sur l’effet de la hausse du salaire minimum à 15$ arrive aussi à la conclusion que la mesure n’est pas efficace pour réduire la pauvreté et estime en outre que cela entraînerait une perte nette d’au moins 50 000 emplois dans la province. D’ailleurs, les résultats observés jusqu’à maintenant se reprochent drôlement de cette projection…

Ultimement, ce sont principalement les jeunes travailleurs et les immigrants de tout âge qui subissent les conséquences négatives associées à une augmentation trop rapide du salaire minimum. La littérature est assez unanime à ce sujet, et les débats qui persistent portent davantage sur l’ampleur de ces effets négatifs en fonction du niveau de productivité, de la structure du marché du travail et de l’importance de la hausse.

L’annulation de la hausse prévue en janvier 2019 était la bonne décision, et elle permettra sans doute de limiter les dégâts causés par la hausse précédente. Baser les prochaines hausses sur l’évolution du coût de la vie permettra aussi de les dépolitiser et de les rendre plus prévisibles pour les entreprises. On ne peut douter des bonnes intentions de ceux qui persistent à revendiquer une hausse rapide du salaire minimum en toutes circonstances, mais cela n’en fait pas une mesure efficace pour réduire la pauvreté.

D’autres voies existent, notamment la hausse de l’exemption de base aux fins du rapport d’impôt, la réduction des barrières qui limitent l’accès au marché du travail ou même l’augmentation de la prestation fiscale pour les travailleurs à revenus modestes qui doivent subvenir à leurs besoins. C’est de ce côté qu’il faudrait plutôt regarder si l’objectif est d’aider ces gens.

Jasmin Guénette est vice-président aux opérations de l’IEDM, Alexandre Moreau est analyste en politiques publiques à l’IEDM et auteur de « Salaire minimum : l’Ontario a bien fait d’annuler la hausse à 15 $ ». Ils signent ce texte à titre personnel.

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