La moitié de la richesse mondiale n’appartient pas à 8 hommes
De passage à l’émission Tout le monde en parle dimanche dernier, le nouveau conseiller du chef péquiste Jean-François Lisée, Jean-Martin Aussant, s’est exprimé sur un thème qui lui est cher : les inégalités de richesse. Il a dit : « il y a un grave problème dans la façon de développer l’économie actuellement, on le sait, les richesses sont de plus en plus inégales un peu partout. Il y a huit hommes qui possèdent l’équivalent de la moitié de l’humanité en ce moment en termes de richesse, c’est absolument inacceptable ».
Que M. Aussant se rassure. Les choses vont beaucoup mieux que ce qu’il pense.
D’abord, selon le dernier rapport d’Oxfam, qu’il semble citer, ce serait plutôt 42 personnes qui détiendraient la moitié du patrimoine de l’humanité, et non huit. Le chiffre de huit est tiré de l’étude d’Oxfam de l’année dernière, mais celle-ci était tellement à côté de la plaque que l’organisme a dû revoir ses conclusionset calculé que c’était plutôt 61 personnes qui auraient possédé alors autant que la moitié de la planète.
Mais que ça soit huit, 42 ou 61, ceci a peu d’importance, puisque le travail d’Oxfam est basé sur des calculs trompeurs qui ont été dénoncés maintes et maintes fois. Personne ne devrait le citer. En somme, si vous avez des dettes en raison de vos études en médecine, vous êtes plus pauvre qu’un fermier du Sahel qui ne possède que deux chèvres. J’imagine que lorsque l’objectif est de vouloir à tout prix toucher une corde sensible, dire que huit personnes détiennent la moitié de la richesse mondiale, ça frappe!
De plus, Oxfam ne fait pas mention de la mobilité sociale dans le temps. Autrement dit, pour Oxfam, quand tu es né riche, tu restes riche, et quand tu es né pauvre, tu restes pauvre. Cela fait dire à des commentateurs que les riches accaparent la richesse durablement, même si ce n’est pas le cas : sept personnes sur huit faisant partie du « 1 % » aux États-Unis ont bâti elles-mêmes leur propre fortune.
Enfin, contrairement à ce que pense Jean-Martin Aussant, la situation des plus pauvres de notre planète s’améliore grandement, et ce à tous les jours.
La pauvreté dans le monde a été divisée par quatre entre 1981 et 2013! Ce mouvement à la baisse du nombre de personnes en pauvreté absolue s’est accéléré au cours de la dernière décennie, à un tel point que l’on aurait pu s’attendre à plus de manchettes avec un titre comme Le nombre de personnes en situation d’extrême pauvreté a baissé de 217 000 depuis hier.
Le même phénomène se déroule au Canada. Comme le montre une de nos publications récentes, le nombre de personnes à faibles revenus a diminué d’un tiers en 30 ans.
Un rapport basé sur les chiffres de la Banque mondiale est clair : loin de s’empirer, les choses s’améliorent :
- Le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a diminué de plus d’un milliard entre 1990 et 2013.
- En moyenne, le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a diminué de 47 millions chaque année depuis 1990 (ou 130 000 chaque jour).
Ce progrès a été possible en partie grâce aux remarquables améliorations enregistrées en Asie de l’Est et dans le Pacifique, où les taux de pauvreté sont passés de 60 % en 1990 à 3,5 % en 2013.
À quoi attribuer ces réductions spectaculaires de la pauvreté? Surtout à la croissance économique. Dire cela est simplement une vérité de La Palice. Tout ce qui reste à débattre, c’est l’ampleur de ce lien. Or, une étude montre qu’une croissance du PIB de 10 % par année est associée à une augmentation de près de 10 % du revenu pour les 20 % les moins fortunés. Lorsque la tarte grossit, tout le monde en profite.
Qu’on se le dise : malgré les discours alarmistes, en réalité, d’un point de vue global ou canadien, les choses s’améliorent constamment, grâce à la croissance économique et au libre-échange. Il est décevant de voir quiconque sortir des chiffres erronés dans une émission populaire à heure de grande écoute, à plus forte raison s’il s’agit d’un économiste. Si ce n’est pas de la malhonnêteté intellectuelle, c’est du moins un grand manque de rigueur.
Jasmin Guénette est vice-président aux opérations de l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.
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