Taxes scolaires : la vraie réforme reste à faire
Le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a déposé récemment un projet de loi qui établit le principe du taux de taxation scolaire unique par région. Il faut comprendre que, actuellement, chaque commission scolaire décide de son taux. Les taux de la commission anglophone et francophone du même territoire sont souvent très différents, ce qui incite les propriétaires sans enfants d’âge scolaire à « migrer » vers celle offrant le taux le plus faible. Les commissions scolaires à taux élevé se plaignaient depuis longtemps de cette érosion de leur base fiscale.
Le calcul de la taxe scolaire pour l’an prochain se ferait sur la base du plus bas taux actuellement en vigueur dans chaque région. Le projet de loi prévoit aussi une réduction du montant total de la taxe pour la plupart des résidents, entre autres grâce à une subvention d’équilibre régionale versée par Québec aux commissions scolaires.
Que penser de cette réforme? Par rapport à la situation actuelle, c’est sans doute une légère amélioration. Mais la réforme de fond reste à faire. Voici pourquoi.
Les commissaires scolaires sont élus, la plupart par acclamation. Le taux de participation aux élections est normalement de moins de 10 %. Pourquoi cette apathie des électeurs? L’absence de lien entre le fait de payer la taxe scolaire et celui d’avoir un enfant dans une école, publique de surcroit, explique sans doute une partie du problème. En outre, les taux de taxe scolaire sont fixés par le gouvernement (et ne sont donc pas un enjeu électoral), et la taxe scolaire représente une petite proportion du fardeau fiscal des propriétaires. Tout milite donc pour un désengagement des électeurs.
Quand on s’arrête pour y penser, on peut non seulement remettre en question la « démocratie » des commissions scolaires, mais aussi l’existence même de la taxe scolaire. Une taxe sur l’alcool ou le tabac peut être justifiée par l’existence d’externalités négatives générées par leur consommation. Mais une taxe sur les immeubles? C’est uniquement pour des raisons historiques que l’État y a encore recours.
Du coup, si on abolissait cette taxe, il faudrait compenser par une augmentation des subventions gouvernementales. Le gouvernement du Québec pourrait alors couper dans ses autres dépenses ou utiliser ses surplus budgétaires actuels. Si le gouvernement finançait entièrement le manque à gagner ainsi, le fardeau fiscal des contribuables diminuerait ou, du moins, il n’augmenterait pas. Ce serait un réaménagement fiscal souhaitable, tant sur le plan de l’équité que de l’efficacité.
Tant qu’à y être, avons-nous même besoin des commissions scolaires? Rappelons que les commissions scolaires sont nées en 1841, un quart de siècle avant la Confédération, afin de créer un système public d’éducation décentralisé. La taxe scolaire visait à partager les coûts entre le gouvernement provincial et la population locale. À cette époque, c’était les commissions scolaires qui déterminaient le taux de la taxe scolaire, construisaient les écoles, embauchaient les enseignants et décidaient des programmes scolaires. Plus maintenant.
Autre élément de réflexion : les dépenses par élève dans les écoles privées sont moins élevées que les dépenses totales par élève dans les écoles publiques, bien que les écoles privées doivent produire elles-mêmes ce que les commissions scolaires font pour les écoles publiques. Et ça n’empêche pas les écoles privées d’offrir autant de services à leurs élèves, sinon plus, que les écoles publiques!
Aujourd’hui, il semble que la seule raison d’être des commissions scolaires soit de percevoir la taxe scolaire, une taxe inefficiente et inéquitable. Pour ce faire, on maintient en place un ordre de gouvernement inutile entre les écoles et le gouvernement du Québec, ainsi qu’un système électoral déficient.
La vraie réforme reste donc à faire : abolir la taxe scolaire et les commissions scolaires.
Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.
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