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Textes d'opinion

La guerre au charbon et aux pauvres

La grand-messe annuelle des gaz à effets de serre, la COP23, se déroule actuellement à Bonn. La ministre de l’Environnement, Catherine McKenna, de concert avec son homologue britannique, veut y lancer une campagne mondiale visant à éliminer la production d’électricité à partir de charbon. Problème : s’il ne compte que pour 11 % de la capacité de production d’électricité au Canada et que ce pourcentage tend à diminuer, le charbon représente actuellement 41 % de la production d’électricité dans le monde. Or, pour les pays pauvres, le charbon est souvent le meilleur choix pour étendre la disponibilité de l’électricité.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), environ 1,1 milliard de personnes parmi les plus pauvres n’ont pas accès à l’électricité en 2017 et 2,8 milliards utilisent pour leurs besoins domestiques des feux de bois, de bouse, de kérosène ou de charbon. Or, la pollution de l’air à l’intérieur des maisons, en raison de ces feux domestiques, serait à l’origine de 2,8 millions de morts prématurées par année dans le tiers-monde. Ajoutons que le ramassage du bois mort est une activité coûteuse en temps (ce sont surtout les femmes qui en sont responsables) et que ce temps pourrait être utilisé à de meilleures fins.

À l’horizon 2030, l’AIE prévoit que 675 millions de personnes n’auront toujours pas accès à l’électricité et que 2,3 milliards perdront encore leur temps à rechercher des sources locales de combustibles qui pollueront l’air de leur maison. Il faut tout de même noter que des progrès sont faits : de 2000 à 2012, 60 millions de personnes par année obtenaient l’accès à l’électricité ; depuis 2012, le rythme s’est accéléré à 100 millions par année.

Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir. Et ce chemin passe et passera encore pour plusieurs années par le charbon, un combustible économique et qui peut être utilisé avec des technologies facilement accessibles pour les pays les plus pauvres. En fait, les pays qui ont fait récemment le plus de progrès dans l’accessibilité à l’électricité (Indonésie, Chine, Inde) ont aussi bâti de nombreuses centrales thermiques au charbon.

Mais ne doit-on pas se soucier des émissions de gaz à effet de serre (GES)? Selon l’AIE, même si la production d’électricité à partir de charbon contribue à de fortes émissions de GES, elle permet aussi de réduire les GES émis par la combustion domestique de biomasse. L’effet net de la consommation de charbon sur les GES serait donc nul ou négligeable, simplement parce que si les pays en développement ne peuvent utiliser de charbon pour produire de l’électricité, leurs citoyens se tournent vers des carburants qui sont aussi polluants, sinon pires.

Donner l’exemple plutôt que faire la morale

La campagne actuelle du Canada visant à éliminer le charbon comme source d’électricité est mal avisée. Si elle réussit, elle n’aura à peu près pas d’effet sur les émissions mondiales de GES. Elle contribuera cependant à maintenir plus de gens plus longtemps dans la misère. En fait, cette guerre au charbon est presque une guerre contre les plus pauvres de notre planète. La position canadienne, qui ressemble à un « signal de vertu » devrait être revue, pour peu que notre gouvernement se soucie réellement des plus démunis de la planète.

Dans les pays où l’accès à l’électricité n’est pas un problème, comme au Canada, réduire l’empreinte-charbon est sans doute une bonne idée. Commençons donc par faire notre part, sans imposer un fardeau inutile aux plus pauvres de la Terre.

Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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