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Textes d'opinion

Les « cadeaux » du gouvernement Couillard

Ce matin, on apprend que le gouvernement pourrait bientôt donner un milliard en « cadeaux » aux contribuables, sous la forme de baisses d’impôts. Une chance que je ne bois pas de café, sinon je l’aurais avalé de travers. Des « cadeaux », vraiment?

C’est oublier que nous sommes l’un des endroits dans le monde où le travail est le plus taxé. Lorsqu’on compare le Québec avec 35 pays de l’OCDE, seul le Danemark, un pays plus riche, nous devance en ce qui a trait à la proportion de l’impôt sur le revenu sur le PIB : 13,5 % de notre richesse est ainsi gobée chaque année par le fisc, soit plus d’un dollar sur sept.

Le taux marginal combiné d’impôt, soit la proportion de chaque dollar gagné que vous redonnez aux gouvernements fédéral et de la province ou de l’État, est aussi très élevé au Québec. Pour un travailleur gagnant l’équivalent de 50 000 $ CAN, une étude avait déterminé il y a quelques années que dans toute l’Amérique du Nord, c’est ici que ce taux est le plus élevé. En 2017, un travailleur gagnant ce revenu voit l’impôt lui confisquer 37,12 % de chaque dollar supplémentaire gagné, soit plus du tiers.

Si on considère le taux marginal implicite d’imposition, soit le taux « réel » d’impôt payé pour chaque dollar supplémentaire gagné, c’est encore pire. En tenant compte de la perte de différents crédits ou prestations, ce taux peut dépasser 70, 80 et même 90 % dans certains cas. Cela fait dire aux professeurs Laferrière et Montreuil, du Centre québécois de formation sur la fiscalité (CQFF) qu’« il ne s’agit plus d’imposition mais de confiscation, presque de l’extorsion ». D’ailleurs, il n’est pas question ici de millionnaires, mais de familles ayant des revenus de moins de 50 000 $.

Si vous êtes un peu plus fortuné, n’ayez crainte, Québec ne vous oublie pas. Notre province est également parmi celles qui appliquent les taux marginaux maximaux les plus élevés. Le taux maximal s’applique aussi en plus à un seuil plus bas qu’ailleurs au Canada, soit dès que vous gagnez un peu moins de 104 000 $. En Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et en Ontario, des provinces qui ont un taux marginal comparable, les seuils sont respectivement de 150 000 $, 152 100 $ et 220 000 $. Autrement dit, au Québec, il faut être moins « riche » pour payer le plus haut taux d’impôt.

Ça pourrait se défendre à moitié si l’argent nous sortait par les oreilles. Ce n’est pas le cas.

Pauvre en riches, riche en pauvres

Le revenu médian des ménages québécois est le deuxième plus faible au pays, dépassant de peu celui du Nouveau-Brunswick. Le Québec est aussi l’un des endroits où ce revenu a le moins augmenté depuis dix ans. Seul l’Ontario a fait pire. Donc, même dans des provinces dont l’économie n’est pas dopée par le pétrole ou le gaz, comme le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard, les ménages se sont enrichis plus rapidement qu’au Québec.

Est-ce qu’on a plus de riches qu’ailleurs pour compenser? Même pas! Le Québec représente environ 23 % de la population canadienne, mais il comprend moins de 16 % des contribuables plus aisés. La proportion reste la même, qu’il s’agisse des 1 %, des 5 % ou des 10 % plus riches. Dans ce dernier cas, on parle de contribuables déclarant un revenu d’un peu plus de 91 000 $. De bons salaires, mais encore là, pas des millionnaires.

Deux leçons, une suggestion

On peut retenir deux choses de tout ça. La première est que le nombre relativement moins élevé de riches au Québec n’est probablement pas étranger à la gourmandise fiscale de notre gouvernement. Ceux qui le peuvent vont préférer gagner leur argent ailleurs, ce qui nous appauvrit davantage.

La seconde est que de façon générale, des taux d’imposition trop élevés, pour tout le monde, ne sont pas une bonne façon d’encourager le travail. Pour reprendre les mots dans la note des professeurs Laferrière et Montreuil : « Avez-vous le goût de travailler lorsque votre taux marginal dépasse 80 ou 90 %? ».

Donc, lorsqu’on apprend que le gouvernement du Québec se dirige probablement vers des surplus records lors du prochain budget, ça donne d’autres arguments pour qu’il respecte la promesse électorale faite en 2014 de réduire les impôts des particuliers.

Oubliez les « cadeaux », c’est de notre argent dont il est question!

Patrick Déry est analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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