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Textes d'opinion

Bernie Sanders et notre système de santé

L’ancien adversaire d’Hillary Clinton à l’investiture démocrate, Bernie Sanders, était à Toronto dimanche dernier pour chanter les louanges de notre système de santé.

On peut comprendre le désir du sénateur du Vermont de faire table rase du système américain, qui est sur plusieurs aspects un exemple à ne pas suivre. En fait, il serait plus juste de parler « des » systèmes de santé américains  : le Medicare pour les personnes âgées, le Medicaid pour les plus démunis, le Children’s Health Insurance Program pour les enfants de familles qui ne se qualifient pas pour le Medicaid (en péril, d’ailleurs), le Veterans Health Administration, les assurances des employeurs pour certains et des assurances individuelles via l’Affordable Care Act (ou Obamacare) pour une partie des autres.

Le total est une mosaïque inefficace et incomplète, qui laisse 28 millions de citoyens sans couverture médicale (certains par choix, ceci dit). Pour ajouter l’insulte à l’injure, le système américain est le plus coûteux, et de loin, parmi les pays développés.

Une comparaison du Commonwealth Fund effectuée parmi 11 pays membres de l’OCDE, un club de pays riches, a en outre classé au dernier rang les États-Unis pour ce qui est de l’accès aux soins, de l’équité et des résultats pour les patients, avant-dernier pour l’efficience administrative et dernier au total. Un peu gênant pour la première économie au monde et le pays qui a produit le plus grand nombre de prix Nobel de médecine!

Le Canada ne fait pas beaucoup mieux

Mais le Canada n’a pas de quoi pavoiser et M. Sanders ferait bien de prendre une grande respiration avant de puiser son inspiration chez nous. Selon la même étude du Commonwealth Fund, le Canada est au 9e rang parmi ces 11 pays. Le Canada est entre autres 9e pour les résultats pour les patients, 9e pour l’équité et 10e pour l’accès aux soins. Là où notre système gagne des points, c’est sur certains aspects administratifs. Disons que ça ne change pas grand-chose quand vous attendez 24 ou 48 h à l’urgence, une autre caractéristique de notre système…

Ceux qui ont invité Bernie Sanders auraient eu avantage à lui faire visiter un autre pays que le Canada et à partir en voyage avec lui. L’Australie, l’Allemagne, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, par exemple, nous devancent tous sur le plan de l’accès aux soins et de l’équité. Ils ont certainement des choses à nous apprendre, notamment sur l’ouverture du système de santé à des fournisseurs concurrentiels, c’est-à-dire du secteur privé, tout en maintenant un accès aux soins universel.

La Suède, entre autres, gère son système de santé de façon décentralisée et chaque région est responsable du financement et de la prestation de soins (en québécois : le ministre ne décide pas du menu dans les hôpitaux). Cela encourage à la fois l’innovation, puisque plusieurs façons de faire sont possibles et l’émulation, puisque les meilleures pratiques sont connues et encouragées.

De plus, bien que le financement soit essentiellement public, comme ici, des entreprises privées peuvent y gérer un hôpital. Cela ne fait pas de différence sur le plan de l’accès pour le patient. Celui-ci peut en effet se faire soigner à l’hôpital de son choix, sans égard à son revenu. Ce choix est d’ailleurs garanti par la Constitution du pays.

Par contre, sur le plan des soins, la différence peut être spectaculaire, comme en témoigne le cas de l’hôpital Saint Göran, à Stockholm, qui surclasse ses pairs sur le plan de l’attente à l’urgence, de la satisfaction des patients et celle des employés, le tout à un coût moindre pour l’État.

À Saint Göran, le temps médian pour voir un médecin est de 26 minutes et près de 80 % des patients sont traités en moins de 4 heures. Seulement 1 % des patients passent plus de 8 heures à l’urgence. Au Québec, les séjours de 15 ou 20 heures ne sont pas rares, et près de 7 % des patients attendent 24 heures ou plus. C’est pire dans plusieurs de nos grands hôpitaux.

Comme quoi si l’objectif de M. Sanders est de trouver des façons d’améliorer le système de santé de son pays, il ferait mieux de visiter Stockholm, et non Montréal ou Toronto.

Patrick Déry est analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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