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Comment encourager l’entrepreneuriat au Canada : les enseignements de l’école autrichienne d’économie

Tout le monde prétend favoriser l’entrepreneuriat. Pourtant, les politiciens proposent couramment divers programmes en vue d’aider les entrepreneurs alors qu’ils devraient chercher avant tout à supprimer les politiques qui les découragent. En effet, la littérature empirique portant sur les politiques et institutions qui influencent l’entrepreneuriat à travers le monde montre que les politiques interventionnistes lui nuisent. La théorie autrichienne a beaucoup à nous apprendre sur les politiques qui encouragent véritablement l’entrepreneuriat et la création de richesses, et par conséquent comment améliorer les politiques publiques canadiennes.

Communiqué de presse : Des idées pour favoriser l’entrepreneuriat au Canada
 

En lien avec cette publication

Pour favoriser l’entrepreneuriat, Ottawa devrait s’inspirer des Autrichiens (Huffington Post Québec, 19 septembre 2017)

To Foster Entrepreneurship, Ottawa Should Look To Vienna (Huffington Post, 19 septembre 2017)

Entrevue avec Mathieu Bédard (Le café show, Ici Radio-Canada, 21 septembre 2017)  

 

Ce Cahier de recherche est signé par Mathieu Bédard, économiste à l’IEDM, et Peter J. Boettke, professeur d’économie et de philosophie à l’Université George Mason.

POINTS SAILLANTS

Tout le monde prétend favoriser l’entrepreneuriat. Pourtant, les politiciens proposent couramment divers programmes en vue d’aider les entrepreneurs alors qu’ils devraient chercher avant tout à supprimer les politiques qui les découragent. En effet, la littérature empirique portant sur les politiques et institutions qui influencent l’entrepreneuriat à travers le monde montre que les politiques interventionnistes lui nuisent. La théorie autrichienne a beaucoup à nous apprendre sur les politiques qui encouragent véritable-ment l’entrepreneuriat et la création de richesses, et par conséquent comment améliorer les politiques publiques canadiennes.

Chapitre 1 – Les origines et le développement de l’école autrichienne d’économie

• L’école autrichienne d’économie, dont la longue et riche histoire intellectuelle remonte à la fin du 19e siècle, compte parmi ses adhérents certains des penseurs les plus accomplis de la discipline économique, à commencer par Carl Menger.

• La description théorique autrichienne du processus de marché insistait sur un programme positif de laissez-faire selon lequel le but de la politique économique était d’éliminer les privilèges juridiques qui répriment le potentiel créatif d’une civilisation libre.

• Les philosophes du mouvement écossais des Lumières, dont Adam Smith était un membre important, ont cherché à démontrer que des institutions sociales pouvaient naître de l’action humaine sans être nécessairement le fruit d’une volonté humaine.

• Les économistes du mouvement formé à Vienne adoptaient couramment une attitude d’« étudiant de la civilisation », et non l’attitude de « maître de l’univers » qui a souvent frappé l’imagination des intellectuels à l’aube de l’ère industrielle moderne.

• Ludwig von Mises a expliqué qu’une économie de marché fondée sur la propriété privée est une condition essentielle pour permettre aux agents économiques de se livrer à un « calcul économique rationnel » quand ils font face à différentes solutions d’investissement et de production.

• Les plus récents économistes se réclamant de l’école autrichienne sont devenus les figures de proue d’une contre-révolution rejetant la tendance à agréger et le formalisme excessifs du consensus de l’après Deuxième Guerre mondiale.

• Si les prix du marché ne sont peut-être pas parfaits, la solution de rechange qui consiste à rendre une autorité centrale responsable de tenir compte de tous les minuscules éléments d’information dispersés − les préférences, le budget, les ressources, etc., de chaque individu − pour diriger l’économie serait tout simplement irréalisable.

Chapitre 2 – Que nous apprend la théorie autrichienne sur l’entrepreneuriat et la création de richesses?

• La création de richesses et le progrès économique viennent d’individus qui, librement, découvrent des opportunités et recherchent ensuite les gains qu’apportent une spécialisation productive ou une coopération sociale pacifique par le commerce.

• Jean-Baptiste Say, un des plus grands penseurs de la tradition française en économie politique classique, a été parmi les premiers à définir clairement le rôle clé de l’entrepreneur qui découvre une opportunité et s’affaire à organiser une production en vue de réaliser un profit.

• L’avancement de l’économie néoclassique à la fin du 19e siècle ainsi que l’acceptation quasi universelle des outils mathématiques élaborés dans les sciences naturelles ont fait perdre peu à peu à l’entrepreneur son statut de personnage central de la théorie économique.

• Joseph Schumpeter a résisté à l’attrait du modèle d’équilibre concurrentiel général de Walras pour examiner principalement comment le cours du développement économique était ponctué de ruptures dues à l’innovation. Il a décrit le comportement concurrentiel des entrepreneurs sur le marché comme une « destruction créatrice ».

• Le genre d’information qu’apprend l’entrepreneur consiste à découvrir les erreurs commises par des participants du marché : des prix ou trop hauts ou trop bas, une surabondance de biens dans un lieu mais une pénurie dans un autre, une demande des consommateurs qui demeure insatisfaite, etc.

• L’entrepreneuriat est omniprésent dans les pratiques économiques mais il peut être soit productif, soit improductif, selon le contexte institutionnel dans lequel agissent les individus.

• Les sociétés qui s’enrichissent sont celles où l’environnement institutionnel pousse les citoyens les plus brillants et prometteurs vers l’entrepreneuriat productif. En revanche, les sociétés qui stagnent dans la pauvreté sont celles où l’environnement institutionnel récompense mieux ceux qui agissent en entrepreneurs improductifs.

• Sans la pression constante des incitations fournies par la propriété privée, les signaux communiqués par les prix et la rétroaction du marché qui punit par une perte ou récompense par un profit, les systèmes économiques ne pourraient ni affecter efficacement les ressources, ni découvrir continuellement des façons nouvelles et novatrices de fabriquer et de livrer des produits pour combler les désirs des consommateurs.

Chapitre 3 – Mesurer l’entrepreneuriat au Canada

• Même l’entrepreneuriat au sens conventionnel, celui qui crée et gère une nouvelle entreprise à des fins lucratives, est difficile à mesurer. Néanmoins, il existe des situations où un bilan partiel de l’entrepreneuriat peut être utile pour indiquer généralement les fluctuations survenant au fil du temps ou comparer différents contextes institutionnels.

• L’entrepreneuriat est bien vu par les Canadiens. Une majorité de répondants à un sondage estiment qu’il s’agit d’un bon choix de carrière et qu’il confère un statut social élevé quand il est couronné de succès.

• Au Canada, ces répondants perçoivent des opportunités d’entrepreneuriat autour d’eux mais sont quelque peu ralentis par la peur d’échouer et sont restreints dans leurs capacités.

• Au classement 2017 de Doing Business, le Canada fait très belle figure dans quelques catégories, dont la création d’entreprise, l’obtention de prêts et la protection des investisseurs minoritaires. Par contre, dans d’autres catégories, tout particulièrement le respect des contrats, il se classe beaucoup moins bien.

• À l’intérieur du Canada, le Québec fait piètre figure, ce qui suggère un environnement institutionnel moins propice à l’entrepreneuriat que celui d’autres provinces comme la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et l’Alberta, et même certaines provinces de l’Atlantique.

• Le portrait de l’entrepreneuriat canadien qui ressort des sondages et statistiques est relativement favorable, malgré des différences importantes (mais non inattendues) entre provinces. Si cela est généralement positif, il reste encore beaucoup de place à l’amélioration.

Chapitre 4 – Application aux politiques canadiennes des leçons autrichiennes sur l’entrepreneuriat

• Un examen critique des politiques interventionnistes révèle qu’au lieu de fournir les outils requis pour organiser une économie dynamique et en croissance, elles sont souvent la principale source des problèmes qu’elles visent à régler.

• Les taxes peuvent à la fois brouiller les incitations nées de la propriété privée et perturber les prix qui, selon l’école autrichienne, agissent comme des substituts d’information du fait qu’ils indiquent indirectement à quel point une ressource est réellement abondante ou rare.

• Un impôt oppressif sur le revenu des particuliers affaiblit la propriété privée en privant ceux-ci d’une part importante de leur revenu, ce qui atténuera leur incitation à accumuler de la richesse.

• Pour que les prix génèrent une information de qualité et, qu’en dernier ressort, les profits et pertes suscitent l’innovation, on doit avoir un environnement économique dynamique où l’argent est libre de circuler, mais la taxe sur le gain en capital rend une telle circulation coûteuse.

• L’économie autrichienne condamne l’effet des monopoles légaux sur l’innovation car la concurrence que se livrent les entrepreneurs pour attirer des clients est généralement la plus forte incitation à innover. Même quand des secteurs ne sont pas complètement nationalisés, le gouvernement évince l’entreprise privée par son utilisation de ressources limitées comme la main-d’oeuvre et le capital.

• Le gouvernement canadien est aussi un grand dispensateur de subventions et la recherche indique qu’une proportion énorme (38 %) des subventions qu’a versées Industrie Canada de 1961 à 2013 a été accordée à dix bénéficiaires seulement.

• Établir des prédictions sur le succès ou l’échec d’une jeune entreprise en particulier obligerait le gouvernement non seulement à savoir ce que pense tout le monde, mais aussi à le savoir bien avant que les individus concernés aient eux-mêmes formé leur opinion.

• La réglementation des métiers a pour effet de limiter le nombre de personnes pouvant occuper certains emplois, ce qui restreint l’accès à ceux-ci et rend aussi les travailleurs certifiés beaucoup plus onéreux qu’ils ne le seraient autrement.

• Un règlement sur le travail qui limite la flexibilité d’embauche et de congédiement des travailleurs nuira certainement à l’entrepreneuriat, en haussant les coûts pour mener des affaires et en rendant même parfois tout à fait impraticables certains modèles d’affaires.

• Dans le secteur pharmaceutique, par exemple, l’approbation d’un médicament et son inclusion sur les listes de médicaments remboursables des régimes d’assurance publics nécessite l’autorisation à la fois du gouvernement fédéral et de la province, ce qui peut prendre des années.

• L’exemple type de l’entrepreneur qui réalise un arbitrage entre marchés en transportant des biens d’un marché à un autre − où ils auront une plus grande valeur −, avantageant ainsi les consommateurs en leur donnant accès aux biens là où ceux-ci sont plus en demande, devient dans les faits inapplicable en raison des barrières interprovinciales au commerce.

INTRODUCTION

Dans l’univers politique canadien, l’entrepreneuriat est une chose qui va de soi. Tous les politiciens prétendent le favoriser. Pourtant, il règne une grande confusion relativement aux types de politiques publiques qui favorisent l’entrepreneuriat. Les politiciens profitent couramment de cette confusion pour proposer divers programmes en vue d’aider les entrepreneurs alors qu’ils devraient chercher avant tout à supprimer les politiques qui les découragent.

En fait, la littérature empirique portant sur les politiques et institutions qui influencent l’entrepreneuriat à travers le monde nous apprend que les politiques interventionnistes − lorsque le gouvernement impose une taxation ou une réglementation excessives, restreint le commerce (tant au niveau international que national) ou prend le contrôle de secteurs économiques, par exemple − nuisent à l’entrepreneuriat(1).

Ce Cahier de recherche étudie la question en profondeur en fournissant une grille d’analyse afin d’alimenter la réflexion en matière de politiques et d’institutions et de montrer pourquoi certaines d’entre elles sont peut-être meilleures que d’autres pour ce qui est d’accroître la quantité et la qualité de l’entrepreneuriat.

Une des façons de dissiper la confusion et d’asseoir nos politiques sur une solide compréhension de l’entrepreneuriat consiste à se concentrer sur les travaux des chercheurs qui s’inscrivent dans la tradition de l’école autrichienne d’économie.

La tradition autrichienne définit un type d’analyse économique qui a pris forme à l’Université de Vienne à la fin du 19e siècle, d’où son nom. Aujourd’hui, elle constitue une approche de recherche économique que pratiquent des spécialistes universitaires du monde entier.

Une de ses particularités consiste à considérer la plupart des phénomènes économiques et, plus généralement, de nombreux types d’interaction humaine comme des processus entrepreneuriaux. En revenant aux notions de base qui établissent ce qu’est l’action entrepreneuriale, au-delà du contexte d’affaires, et en comprenant en quoi consiste la vigilance aux opportunités, qui précède toute initiative entrepreneuriale, il est possible d’obtenir un éclairage important sur la question de l’entrepreneuriat.

Si l’entrepreneuriat est un trait qu’on retrouve partout dans nos sociétés humaines, que peut faire le gouvernement pour encourager cette attitude? Des politiques publiques adéquates peuvent-elles rendre les individus plus vigilants quant aux opportunités?

Le chapitre 1 de ce Cahier de recherche donne des éléments de réponse à ces questions en remontant aux origines et aux thèmes fondamentaux de la recherche menée par l’école autrichienne d’économie. Le chapitre 2 explique ce que la théorie autrichienne peut nous apprendre sur les politiques qui encouragent l’entrepreneuriat et la création de richesses. Dans le chapitre 3, nous examinons les niveaux d’entrepreneuriat au Canada et comment nous nous comparons au reste du monde. Enfin, le chapitre 4 applique les leçons tirées de l’analyse autrichienne de l’entrepreneuriat aux politiques publiques du Canada avec l’objectif de bonifier ces politiques.

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Note

1. Mathieu Bédard, Entrepreneuriat et liberté économique : une analyse des études empiriques, Institut économique de Montréal, Cahier de recherche, 4 novembre 2016.

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