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Textes d'opinion

Aéronautique: un pacte de non-agression nécessaire

Le bras de fer actuel entre Bombardier et Boeingqui accuse l’avionneur québécois d’être subventionné indûment, montre que le Canada a fortement intérêt à proposer un nouvel accord international pour éviter une ruineuse course aux subventions dans le secteur aéronautique.

En effet, l’aide massive qu’a reçue Bombardier au cours des deux dernières années — plus de 3 milliards en tout en investissements et en prêts des gouvernements provincial et fédéral — établit un précédent que d’autres pays pourraient invoquer afin de justifier une aide substantielle à leur propre industrie. Il existe aujourd’hui un risque que s’enclenche une dynamique très coûteuse pour l’ensemble des pays concernés.

On peut imaginer ce qui arriverait si la Chine, dont l’assiette fiscale est considérable, décidait de s’inspirer des subventions canadiennes pour appuyer le développement de sa propre industrie. Le même raisonnement pourrait s’appliquer à la Russie, où l’économie dépend davantage de ce secteur, et pour laquelle l’enjeu est encore plus important.

Le Canada ne sortirait pas gagnant d’une course aux subventions. L’industrie canadienne dépérirait et perdrait des parts de marché substantielles. Une très grande partie des 55 724 emplois en fabrication aérospatiale seraient ainsi mis en péril. Évidemment, même les pays « gagnants » d’un tel conflit — ou, du moins, leurs contribuables — devraient payer un prix très élevé.

Un message clair

Une façon d’éviter ce scénario catastrophe serait d’envoyer un message clair indiquant que les interventions des gouvernements seront dorénavant restreintes. Un tel message pourrait prendre la forme d’un nouvel accord international que le Canada a fortement intérêt à proposer.

Bien que cela ne soit jamais souhaitable du point de vue économique, le soutien de l’État est une réalité politique. Il demeure néanmoins possible de restreindre l’aide gouvernementale par des accords internationaux.

De tels accords ont déjà été conclus. C’est le cas par exemple de l’Accord sectoriel sur les aéronefs (ASU), dont la première version a été signée en 1986 et qui a été mis à jour quelques fois depuis, sa dernière grande révision datant de 2011. L’ASU s’est révélé assez efficace pour limiter l’expansion des subventions par le biais des crédits à l’exportation, mais les gouvernements ont imaginé d’autres mesures pour aider directement ou indirectement leurs fleurons nationaux.

Ce ne serait pas la première fois que le secteur aéronautique canadien est à l’origine de négociations et de l’adoption d’un nouveau traité international. La version 2011 de l’ASU, négociée par l’entremise de l’OCDE, avait essentiellement pour objectif de prendre en compte les nouveaux avions de la C Series de Bombardier, alors encore en développement.

Pour un « ASU plus »

Une nouvelle version de ce traité, une sorte d’«  ASU plus  », pourrait donc établir des lignes directrices concernant d’autres formes de subventions directes ou indirectes. Il définirait quel type de soutien gouvernemental est acceptable. Il préciserait aussi le montant maximal que cette aide peut représenter dans le coût total de la production d’un avion, sans menacer le fragile équilibre international. Un tel accord devrait enfin réaffirmer les principes de l’OMC en matière de commerce international : la stabilité, le respect des règles, l’absence de discrimination, la libéralisation progressive du commerce par la négociation, et enfin le développement économique partout dans le monde.

L’engagement des pays présentement liés par l’ASU de respecter une telle entente constituerait probablement un engagement assez convaincant pour dissuader des pays non signataires, comme la Russie et la Chine, de se lancer dans quelque chose d’aussi dommageable qu’une course aux subventions.

Une nouvelle entente entre les pays constructeurs d’avions pourrait ainsi servir de pacte de non-agression et empêcher l’avènement d’une « course aux armements » dans le secteur aéronautique, qui aurait des effets dévastateurs pour les entreprises et les travailleurs canadiens. Pour qu’elle puisse livrer tous ses bénéfices, la concurrence ne doit pas être basée sur la plus grande capacité de payer d’un gouvernement, mais sur les mérites mêmes des produits, et de ceux des entreprises qui les proposent.

Mathieu Bédard est économiste à l’Institut économique de Montréal et l’auteur de « Le Point – Aéronautique : le Canada doit éviter une course aux subventions ». Il signe ce texte à titre personnel.

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