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Textes d'opinion

Taux de chômage : du travail pour (presque) tout le monde!

Pour la première fois depuis 1976, le taux de chômage au Québec est descendu à 5,8%. En fait, il s’agit d’un taux presque aussi bas que le taux moyen de 5,45% observé au cours des années 1950. Même le taux d’emploi, soit le pourcentage des gens en âge de travailler qui ont un emploi, est aussi à un sommet historique (un peu plus de 61%).

Plus étonnant encore, le Québec fait mieux que l’Ontario (6,1%). Depuis que des données annuelles sur le chômage existent (il faut remonter à 1919), le Québec n’avait jamais surclassé l’Ontario! Il faut donc célébrer cette réussite. Cependant, des commentateurs soulignent que les emplois créés ne sont pas des emplois à haut salaire ou qu’ils sont à temps partiel. Ont-ils raison de se plaindre?

Un emploi est rarement moins bon que l’absence d’emploi. Ceci dit, que penser des salaires versés aux nouveaux employés? Retenons d’abord que lorsqu’on parle de nouveaux emplois, il ne faut pas penser au travailleur moyen, mais plutôt au travailleur marginal. Le premier travailleur embauché par une firme risque d’être plus productif que le dernier travailleur embauché par cette même firme. Puisque la rémunération est reliée à la productivité marginale, il est normal que le dernier travailleur embauché soit moins bien payé. Ainsi, lorsque le taux d’emploi passe de 60 % à 61 %, les nouveaux travailleurs sont souvent marginalement moins productifs, et donc leurs salaires sont plus bas.

Est-ce une mauvaise chose? Pas du tout! Les travailleurs moins productifs sont généralement des travailleurs moins expérimentés ou marginalisés. On parle ici généralement de travailleurs plus jeunes et peu expérimentés, de personnes plus âgées qui ont peu d’expérience sur le marché du travail ou qui en ont longtemps été éloignées. Il s’agit donc d’individus qui ont un intérêt à accéder à un premier emploi ou à revenir sur le marché du travail.

Il est possible que le salaire d’entrée de ces personnes soit plus bas que la moyenne des salaires des travailleurs. Mais grâce au fait qu’ils occupent un emploi, ces travailleurs acquièrent de l’expérience – un des facteurs les plus importants dans la détermination des salaires futurs. En plus, leurs revenus peuvent leur permettre d’ouvrir un petit commerce, de financer une formation additionnelle ou un retour aux études, tous des facteurs qui pourront les aider à améliorer leur situation.

Il faut enfin souligner que plusieurs de ces nouveaux travailleurs sont des personnes qui souhaitent moins à travailler à temps plein. Au cours des dernières années, le groupe démographique dont le taux d’emploi a le plus augmenté est âgé de plus de 55 ans. En 1997, le taux d’emploi de ce groupe était inférieur à 20%. Aujourd’hui, il dépasse 31%. Il s’agit aussi du groupe démographique avec le plus haut niveau de richesse accumulée. On parle donc en grande partie de retraités qui décident de travailler quelques heures à gauche ou à droite afin d’arrondir leurs fins de mois. Ils augmentent techniquement le niveau d’emploi, mais ils ne veulent pas nécessairement entreprendre une nouvelle carrière. Pourquoi donc faudrait-il percevoir ces nouveaux emplois comme étant problématiques?

Ainsi, il semble clair que ceux qui cherchent à minimiser les récentes nouvelles économiques ne saisissent pas qu’il s’agit d’un signe que même des gens qui sont à la marge du marché de l’emploi – volontairement ou non – montent dans le train de la croissance économique. Tout indique qu’il faut au contraire s’en réjouir.

Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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