Ordre professionnel des enseignants : une distraction
Les jeunes libéraux se réunissent en congrès cette fin de semaine pour débattre d’idées afin d’améliorer notre système d’éducation. L’une des idées qui ont retenu l’attention est celle de la création d’un ordre professionnel des enseignants. Outre les jeunes libéraux, le critique de la CAQ en matière d’éducation, Jean-François Roberge, défend aussi la proposition.
L’intention, qui est louable, émane d’un constat terrible : les enseignants dans nos écoles sont rarement évalués lorsqu’ils ont obtenu leur permanence, et à peu près jamais renvoyés. Une compilation de l’IEDM montre qu’en cinq ans, sur 58 000 enseignants permanents, seulement sept ont été congédiés pour incompétence. Certains espèrent qu’un ordre professionnel aiderait à améliorer la qualité générale du corps enseignant et, indirectement, notre faible taux de diplomation.
Lorsqu’on examine les problèmes qui affligent l’éducation au Québec, on constate qu’un ordre professionnel ferait très peu pour les régler. Notre système est hyper bureaucratisé, les décisions y sont centralisées, la dernière mode en matière pédagogique est imposée à tous, les enseignants sont promus en fonction de l’ancienneté plutôt que la compétence et les conventions collectives rendent virtuellement impossible le congédiement d’enseignants incompétents.
Un ordre n’accordera pas plus d’autonomie aux écoles, plus de choix aux parents ou une rémunération au mérite. Ce sont pourtant là des changements simples qui valoriseraient la profession tout en favorisant la réussite scolaire de nos enfants. Une rémunération en fonction du rendement, par exemple, encouragerait l’excellence chez les enseignants et contribuerait à améliorer la qualité du système scolaire. Il serait d’ailleurs tout à fait normal que les meilleurs enseignants soient mieux rémunérés que leurs collègues moins performants.
On devrait également donner plus de pouvoirs aux enseignants et aux directeurs d’écoles pour choisir le contenu des cours et la façon d’enseigner, pour embaucher et congédier, tout en récompensant ou sanctionnant selon les résultats. Des enseignants plus autonomes dans leur travail sont plus heureux et, par le fait même, plus efficaces. L’autonomie pédagogique permet de plus d’enrichir l’offre et de fournir des modèles alternatifs aux élèves, qui ont des aptitudes et des intérêts variés, et qui apprennent de différentes façons.
La concurrence et le choix
Favoriser la concurrence entre les écoles et donner plus de choix aux parents devraient aussi être au cœur de toute réforme du système scolaire. Il faut s’interroger sur la pertinence même des commissions scolaires et être ouvert à la possibilité de décentraliser la gestion des écoles. Non seulement pourrait-on éviter certaines dépenses administratives, mais le fait de réduire la bureaucratie permettrait aux écoles de s’adapter plus facilement à leur clientèle et d’innover dans les services éducatifs.
L’expérience ontarienne montre comment les changements qui peuvent provenir de la création d’un ordre professionnel sont limités. Cette province a créé un ordre professionnel des enseignants, qui fait face à de nombreuses critiques. On l’accuse notamment d’avoir été infiltré et d’être contrôlé par les syndicats. La présence d’un ordre professionnel n’a pas non plus permis de remettre en question le sacro-saint principe de l’ancienneté. Surtout, l’ordre professionnel protège de mauvais enseignants, ratant en cela sa mission première.
Le vrai débat, celui de la qualité de l’enseignement et de l’autonomie des écoles, reste encore à faire. Ce n’est pas d’un ordre professionnel dont notre système d’éducation a besoin. C’est que nous puissions évaluer les enseignants, et congédier ceux qui sont incompétents. Enfin, pour exceller, les enseignants ont besoin d’un environnement décentralisé et concurrentiel. Le débat sur un ordre professionnel des enseignants n’est qu’une distraction qui nous éloigne de l’essentiel.
Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.
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