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Textes d'opinion

La Cour suprême va-t-elle briser le monopole de la SAQ ?

« Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d’aucune des provinces seront, à dater de l’union, admis en franchise dans chacune des autres provinces. »

– Article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867. Autrement dit, la Constitution canadienne prévoit un commerce sans barrières entre les provinces.

Cet article est au cœur de la cause mettant aux prises Gérard Comeau, un retraité de Tracadie, au Nouveau-Brunswick, et le gouvernement de cette province. M. Comeau a été arrêté en 2012 pour avoir ramené dans sa voiture 14 caisses de bière et 3 bouteilles d’alcool achetées au Québec. Ses achats ont été confisqués et il a reçu une contravention de 292,50 $.

M. Comeau, appuyé par la Canadian Constitution Foundation, a obtenu gain de cause à la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick en avril 2016. Le gouvernement a demandé à la Cour d’appel de la province d’infirmer la décision de première instance, mais celle-ci a refusé. La Cour suprême du Canada a été saisie de l’affaire et vient tout juste d’accepter d’entendre l’appel, sans frais pour M. Comeau et pour son équipe.

Pour plusieurs spécialistes, la Cour suprême a l’occasion de corriger une erreur historique, puisqu’elle avait, dès 1921, interprété l’article 121 de façon très étroite, en considérant « admis en franchise » comme voulant dire « sans droits de douane ». Si le plus haut tribunal du pays décide que l’article en question doit être interprété plus largement comme signifiant « sans entraves », l’objectif lointain d’un libre-échange pancanadien pourrait être plus atteint plus rapidement que prévu.

Un tel jugement ouvrirait la porte au libre commerce entre les provinces et toucherait non seulement le vin et la bière, mais aussi les produits laitiers et beaucoup d’autres qui sont présentement soumis aux monopoles ou aux agences de mises en marché provinciaux.

Les gouvernements provinciaux se sont d’ailleurs attaqués récemment à la mise en place d’un véritable libre-échange canadien. La Cour suprême va peut-être leur faciliter la vie !

Un jugement favorisant une plus grande liberté de commerce ferait certainement plaisir à une majorité de Québécois, qui se sont prononcés à 84 % pour le droit d’acheter leur vin ailleurs au Canada. Il pourrait peut-être pousser aussi les gouvernements provinciaux à libéraliser rapidement le marché du vin, une mesure appuyée par 71 % des Québécois selon le même sondage. En effet, si le vin peut être vendu librement d’une province à l’autre, les monopoles comme celui de la SAQ deviendront vite intenables, puisque des détaillants privés vendent déjà du vin dans certaines provinces, notamment l’Alberta et la Colombie-Britannique.

La Cour suprême va probablement examiner le cas Comeau dans la première moitié de 2018. 

Germain Belzile est chercheur associé senior, département des actualités, à l'IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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