L’état de la concurrence dans l’industrie canadienne des télécommunications – 2017
L’avènement de l’Internet des objets (IdO), qui révolutionnera bientôt tous les aspects de notre économie et de nos vies, forcera Ottawa à revoir ses priorités et ses politiques en matière de télécommunications, soutient l’édition 2017 de L’état de la concurrence dans l’industrie des télécommunications au Canada, publiée par l’IEDM.
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L’édition 2017 du Cahier de recherche sur L’état de la concurrence dans l’industrie des télécommunications au Canada, est signée par Martin Masse, rédacteur et réviseur principal à l’IEDM, et Paul Beaudry, chercheur associé à l’IEDM.
Points Saillants
L’édition 2016 de ce rapport soutenait entre autres que le gouvernement fédéral et le CRTC ne devraient pas intervenir dans le marché d’Internet à large bande, comme ils l’ont fait dans celui du sans-fil. Il expliquait également pourquoi la concurrence fondée sur les installations, par opposition à la concurrence fondée sur les services, est la meilleure façon de catalyser l’innovation. Voici les faits saillants de l’édition de cette année.
Chapitre 1 − Comment le Canada se compare-t-il?
- Les Canadiens continuent de bénéficier de services de télécommunications de qualité et compétitifs, et comptent parmi les plus grands consommateurs de services de télécommunications dans le monde.
- Les taux de pénétration et d’utilisation des tablettes, des téléphones intelligents et des connexions LTE sont parmi les plus élevés au sein des pays industrialisés.
- Les Canadiens continuent de bénéficier de services sans fil et d’Internet à large bande parmi les plus développés et les plus performants au monde.
- Les prix payés par les Canadiens pour les services sans fil demeurent généralement plus élevés qu’en Europe et en Australie, mais comparables ou plus bas qu’aux États-Unis et au Japon. Toutefois, le Canada se situe au premier rang en ce qui a trait à l’abordabilité en tenant compte du revenu par habitant et de l’état de la concurrence dans le marché.
- Considérant les coûts supplémentaires liés à la faible densité d’utilisateurs par km2 qui caractérise le marché canadien, le Canada s’en sort relativement bien tant sur le plan des prix que de la qualité des services offerts.
Chapitre 2 − Développements récents dans le secteur des télécommunications au Canada
- La manchette de l’année qui vient de s’écouler a sûrement été l’annonce par BCE en mai 2016 de son acquisition de Manitoba Telecom Services Inc. (MTS), ancien monopole provincial et fournisseur dominant au Manitoba.
- Comme la transaction incluait la vente à TELUS d’environ un tiers de la clientèle manitobaine de MTS, elle permettrait tant à Bell qu’à TELUS de devenir des concurrents importants en sans-fil dans la province. Ceci pourrait susciter une concurrence réelle plus forte, et non l’inverse.
- En février 2017, le Bureau de la concurrence a annoncé qu’il approuvait la transaction. Comme beaucoup l’avaient prédit, l’autorisation réglementaire a été donnée à condition que Bell cède du spectre, des magasins et des abonnés à un quatrième participant.
- Cependant, le bénéficiaire de ces cessions n’a pas été Shaw, comme on s’y attendait, mais Xplornet, un fournisseur de service Internet en zone rurale établi partout au Canada, mais n’ayant encore jamais été impliqué dans le marché du sans-fil.
- Le 1er mars 2017, le CRTC a rendu une autre décision condamnant Ice Wireless pour avoir « permis à tort aux utilisateurs finals de [Sugar Mobile] d’obtenir un accès permanent, plutôt qu’un accès temporaire, au réseau cellulaire de [Rogers] ».
- Ceci concorde avec sa décision de 2015 sur le droit des plus petits fournisseurs moins pourvus en infrastructure – mais pas des revendeurs – d’accéder aux réseaux de Bell, TELUS et Rogers.
- Finalement, le CRTC a choisi de rendre sa décision très attendue sur les services de télécommunication de base quelques jours avant Noël 2016, fixant comme objectif de doter tous les Canadiens d’un accès à des vitesses de téléchargement d’au moins 50 mégabits par seconde (Mbps) et à des vitesses de téléversement d’au moins 10 Mbps.
- Pour atteindre cet objectif, le CRTC a annoncé un fonds de 750 millions de dollars sur cinq ans pour financer l’infrastructure Internet haute vitesse dans les zones rurales et éloignées du pays où pareil service n’est pas encore disponible. Ce fonds sera financé par les fournisseurs de service Internet mais, en fin de compte, ce sont les consommateurs qui en subiront le coût.
Chapitre 3 − Évaluation du Décret d’instructions de 2006 : le bon, le mauvais et le pire
- En 2006, le gouvernement a rendu un Décret d’instructions qui, entre autres, exigeait du CRTC qu’il s’en remette le plus possible aux forces du marché dans l’exercice de ses pouvoirs et fonctions.
- Pendant un certain temps, il semble que le CRTC a pris au sérieux les principes du Décret, entreprenant un examen exhaustif de plus de 80 règlements sur les télécommunications, et 60 % de ces règlements ont ensuite été supprimés ou simplifiés.
- En outre, le CRTC a accéléré la déréglementation des services de télécommunications au détail là où ces services suscitaient une concurrence suffisante ou lorsqu’il pouvait le faire tout en respectant les objectifs des politiques canadiennes en télécommunications.
- Malheureusement, le CRTC a depuis, dans une large mesure, repris ses vieilles habitudes interventionnistes, par exemple avec sa décision de 2015 imposant le partage de réseaux de prochaine génération avec des participants du marché qui ont investi peu, sinon rien, dans leur infrastructure.
- Un autre exemple remarquable est l’interdiction prévue au Code sur les services sans fil des contrats de services comportant une subvention d’appareil qui s’étale sur plus de 24 mois, qui restreint les choix des consommateurs et peut nuire tout particulièrement aux consommateurs moins fortunés.
- Le CRTC n’est pas seul à blâmer pour l’application laxiste des principes du Décret d’instructions. Il faut aussi pointer du doigt le gouvernement Harper, qui a mis en œuvre des politiques plus interventionnistes en télécommunications et donné des signaux contradictoires au régulateur.
- Le cas le plus flagrant de cet interventionnisme est peut-être la réaction du gouvernement fédéral à la décision que le CRTC a rendue en 2011 sur la facturation à l’utilisation, où il a fait pression sur le régulateur pour permettre aux petits FSI de continuer d’acheter des quantités illimitées de données à un prix fixe réglementé, une pratique non viable qui gêne démesurément les forces du marché.
Chapitre 4 − L’Internet des objets et le nouvel environnement concurrentiel
- L’Internet des objets (IdO), qui a maintenant atteint un niveau de développement semblable à celui de l’Internet lui-même au début des années 1990, croît rapidement et révolutionnera tous les aspects de notre économie et de nos vies d’ici quelques années.
- La maison de l’avenir comptera des électroménagers, appareils de chauffage, lampes, systèmes de sécurité, etc., branchés à un réseau qui permettra au propriétaire occupant de les contrôler à distance. Les patients seront munis de capteurs corporels qui vérifieront leur tension artérielle, fréquence cardiaque ou glycémie en temps réel afin d’avertir leur médecin si leur santé se détériore.
- Des études sur le développement de l’Internet des objets prévoient une croissance extrêmement rapide dans les années à venir, avec des dépenses mondiales estimées en IdO allant de 737 milliards de dollars américains en 2016 à 1290 milliards de dollars en 2020. L’importance croissante de l’Internet des objets fortifie les arguments à l’encontre des mesures visant à soutenir les petits concurrents aux dépens des fournisseurs solides qui possèdent leurs propres installations.
- La prochaine génération de réseaux sans fil, la 5G, facilitera la mise en œuvre de toutes sortes de solutions IdO parce qu’elle offrira des vitesses beaucoup plus grandes, une latence réduite et des protocoles de connexion plus flexibles. Le déploiement de cette nouvelle technologie au Canada au cours des prochaines années nécessitera encore une fois des milliards de dollars en investissements.
- Seuls les grands fournisseurs nationaux (Bell, TELUS, Rogers) et régionaux (Vidéotron, Shaw, Eastlink, SaskTel) ont les moyens d’investir dans l’infrastructure filaire et sans fil dont on aura besoin pour suivre le rythme des progrès en IdO.
- Le développement de l’Internet des objets mettra en évidence une gamme complète de situations nouvelles dans lesquelles il pourrait être nécessaire de traiter les clients, appareils, applications ou plateformes de manières différentes, et seuls les fournisseurs qui possèdent une infrastructure seront capables de gérer leurs réseaux de manière à combler ces besoins complexes.
- Les politiques qui visent à soutenir des concurrents en sans-fil sous-capitalisés et des revendeurs de large bande, si on continue de les appliquer, pourraient bien ralentir le développement de l’IdO et nuire à l’économie canadienne.
Introduction
Au cours des trois dernières années, L’état de la concurrence dans l’industrie des télécommunications au Canada a évalué comment le Canada se comparait à d’autres pays en ce qui a trait à la qualité et aux prix de ses services de télécommunications. Ce rapport a aussi examiné comment se portait la concurrence dans des secteurs clés du marché canadien des télécommunications et offert une analyse critique du cadre législatif et réglementaire du Canada relativement à cette industrie.
L’une des principales raisons qui nous a incités à publier les trois premières éditions de ce Cahier de recherche était qu’à notre avis, de nombreux Canadiens ont la fausse impression que l’industrie canadienne des télécommunications soutient mal la comparaison avec celles d’autres pays.
Nos publications ont cherché à réfuter la notion suivant laquelle les Canadiens paient des prix non compétitifs pour des services de qualité inférieure. Nous avons aussi soutenu que les interventions du gouvernement fédéral et du CRTC dans les secteurs du sans-fil et de la téléphonie filaire en vue d’accroître le nombre de concurrents par des subventions indirectes et le partage obligatoire des réseaux n’auraient probablement pas les effets escomptés et pourraient nuire aux investissements et à l’innovation. Au lieu de telles interventions, nous avons avancé que le gouvernement devrait libéraliser ses politiques sur les transferts de spectre et le partage obligatoire des réseaux à large bande, et reconnaitre le rôle de l’innovation dans l’évaluation du niveau de concurrence qui existe dans un marché dynamique.
Cette quatrième édition continue d’explorer ces thèmes. Le chapitre 1 présente des statistiques mises à jour concernant la performance de l’industrie canadienne des télécommunications par rapport à celles d’autres pays.
Le chapitre 2 décrit des développements récents dans le secteur des télécommunications au Canada, dont l’acquisition de MTS par BCE, la décision du CRTC condamnant Ice Wireless et la décision du CRTC sur les services de télécommunication de base. Le chapitre 3 revient, dix ans plus tard, sur le décret d’instructions de 2006 qui, entre autres, exigeait du CRTC qu’il s’en remette le plus possible aux forces du marché dans l’exercice de ses pouvoirs et fonctions.
Enfin, le chapitre 4 soutient que seuls les concurrents importants possédant leur propre infrastructure pourront faire les investissements requis par le développement de l’Internet des objets, et qu’eux seuls auront la possibilité de gérer leurs réseaux de façon à répondre aux besoins complexes de ce nouveau secteur.