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Textes d'opinion

Échanger la gestion de l’offre contre le bois d’œuvre

 

Pendant la campagne électorale américaine, Donald Trump a critiqué à plusieurs reprises l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), allant jusqu’à le qualifier de « désastre », et affirmé clairement sa volonté de le renégocier.

Bien que le nouveau président ait tort d’y voir la source des maux économiques qui affligent son pays, il est vrai que des améliorations pourraient être apportées à l’ALENA.

La croissance des échanges commerciaux a été fulgurante dans les années qui ont suivi son entrée en vigueur, de sorte qu’ils atteignent maintenant plus de 880 milliards, soit près de 2,5 milliards par jour ! On observe cependant une stagnation des échanges depuis le début des années 2000 en raison des barrières au commerce qui persistent.

Exempter le bois d’œuvre canadien de tarifs et ouvrir les secteurs agricoles sous gestion de l’offre (lait, œufs et volaille) aux producteurs américains sont deux exemples de mesures qui seraient bénéfiques pour les consommateurs et qui donneraient un second souffle aux échanges commerciaux entre les deux pays.

De telles réformes provoqueraient une levée de boucliers de la part de certains producteurs, qui chercheront à préserver une situation qui les avantage au détriment des consommateurs des deux côtés de la frontière.

Gare aux tarifs

Actuellement, le département du Commerce américain évalue la possibilité d’imposer des tarifs sur les importations de bois d’œuvre canadien qui pourraient atteindre 25 %. Le bois en provenance du Nouveau-Brunswick et certains sous-produits du bois d’œuvre, historiquement exclus des accords, pourraient être assujettis aux nouveaux tarifs douaniers.

Ces tarifs seraient néfastes pour le secteur forestier canadien puisqu’ils feraient diminuer les exportations vers le marché américain. Lors de la dernière entente sur le bois d’œuvre, les producteurs canadiens avaient perdu 2,03 milliards entre 2006 et 2015. Aujourd’hui, c’est plus de 24 300 emplois et 7,6 milliards en bois d’œuvre exporté qui sont directement liés aux conditions du marché américain et à la décision qui sera prise par le département du Commerce.

Sans surprise, les producteurs de bois d’œuvre américains seraient les grands gagnants d’un retour aux mesures protectionnistes, comme cela fut le cas lors du dernier accord. Mais l’imposition d’un tarif aussi élevé ferait augmenter le prix moyen d’une nouvelle maison de près de 1300 $. Cela aurait occasionné un coût supplémentaire de l’ordre de 1 milliard pour les acheteurs, seulement pour les maisons unifamiliales construites aux États-Unis en 2016.

Un marché captif

Du côté canadien, ce sont les producteurs sous gestion de l’offre qui défendent bec et ongles les tarifs et quotas qui tiennent les consommateurs canadiens captifs. Selon les estimations de l’OCDE, le coût de ce système est de 258 $ par ménage par an, un total de 3,6 milliards pour l’ensemble des ménages canadiens. D’autres estimations avancent des coûts atteignant jusqu’à 6,1 milliards.

Les fermiers canadiens sont pourtant eux aussi perdants, puisque la gestion de l’offre les prive d’un accès à des milliards de consommateurs à travers le monde. Cela signifie qu’ils n’ont pas pu profiter de la hausse de la consommation alimentaire mondiale, qui se poursuit.

Les pays qui se sont ouverts au commerce international auront le champ libre pour accroître leur production nationale. L’OCDE prévoit d’ailleurs une croissance des exportations des produits laitiers de 13 % pour l’Australie, de 18 % pour la Nouvelle-Zélande et de 50 % pour l’Union européenne d’ici 2025. L’exemple de la Nouvelle-Zélande est particulièrement éloquent. Ce pays a pratiquement triplé sa production depuis qu’il a libéralisé son industrie laitière. En comparaison, la production canadienne de lait n’a pas bougé depuis les années 60…

Les barrières commerciales n’ont jamais enrichi qu’un petit nombre au détriment de la vaste majorité.

Éliminer celles qui subsistent dans les secteurs agricoles sous gestion de l’offre et celle du bois d’œuvre et s’assurer de ne pas en élever de nouvelles serait profitable tant pour les consommateurs que pour les producteurs.

La renégociation de l’ALENA est une occasion pour le Canada et les États-Unis d’élargir leur partenariat économique et de contribuer à sa pérennité. Elle devrait être saisie sans hésitation.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l’Institut économique de Montréal, Alexandre Moreau, analyste en politiques publiques à l’IEDM et l’auteur de « Échanger la gestion de l’offre contre le bois d’œuvre? » Ils signent ce texte à titre personnel. 

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