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Textes d'opinion

Oxfam réutilise une méthodologie maintes fois dénoncée

 

Le rapport Une économie au service des 99% d’Oxfam, publié il y a quelques jours, répète les mêmes erreurs que les éditions précédentes, comme si ses auteurs n’avaient rien appris des critiques suscitées par leurs profondes incohérences méthodologiques. L’organisation semble avoir renoncé à lutter contre la pauvreté et choisi de mettre l’accent sur la dénonciation des inégalités.

L’affirmation du rapport selon laquelle « huit hommes possèdent autant que la moitié de la population mondiale » est basée sur des données justes, mais des calculs complètement faux.

Pour obtenir ces résultats, les auteurs du rapport soustraient les dettes des actifs. Par exemple, si vous avez emprunté pour acheter votre maison, on soustrait le prêt de la valeur de la maison. C’est une mesure de la richesse qui n’est pas fiable et qui rend les résultats du rapport dénués de sens.

Selon cette méthodologie, une grande partie des personnes les plus pauvres du monde sont des personnes dans les pays riches ayant un niveau d’endettement élevé parce qu’ils ont une hypothèque. L’édition 2014 commettait cette erreur et a été dénoncée par de nombreux économistes, mais cela n’a pas empêché Oxfam d’utiliser la même méthodologie en 2015, en 2016 et encore une fois plus tôt cette semaine. Ces rapports, d’une institution au demeurant respectable, ont ainsi été publiés avec des erreurs conceptuelles importantes non pas une fois, mais quatre années consécutives.

Comme l’ont souligné certains économistes (ici, ici et ici), l’analyse d’Oxfam laisse entendre par exemple qu’un diplômé d’une grande université qui, comme beaucoup d’étudiants, est endetté, est plus pauvre qu’un agriculteur qui n’a pas dettes dans l’un des pays les plus défavorisés du monde. C’est une conception de la pauvreté et de la richesse complètement surréaliste; selon cette même analyse, les États-Unis compteraient une plus large part des personnes les plus pauvres au monde que la Chine.

Les grandes déclarations du rapport sur les inégalités font de belles manchettes, mais elles répondent mal au défi du développement économique mondial. Les pays occidentaux ne sont pas passés de la calèche aux automobiles modernes et n’ont pas augmenté leur niveau de vie d’un facteur de 16 au cours des 200 dernières années, en n’ayant que le mot « inégalité » à la bouche. Ils l’ont fait par l’innovation et l’entrepreneuriat.

Parmi les recommandations « prioritaires » d’Oxfam, il faut « mettre un terme une bonne fois pour toutes à l’ère des paradis fiscaux ». Pourtant, ce débat n’a rien à voir avec la pauvreté absolue. Les recommandations de politique d’Oxfam se concentrent tellement sur les riches et l’accumulation de richesses, qu’ils en oublient même d’être préoccupés par le sort des pauvres.

Mais pourquoi le débat et la mission d’Oxfam sont-ils passés de la lutte contre la pauvreté à la dénonciation des inégalités? C’est sans doute dû au fait que le grand combat contre la pauvreté est largement en train d’être gagné. L’économie de marché entraîne une prospérité accrue dans les pays en développement à un rythme sans précédent.

En effet, la liberté économique et l’entrepreneuriat, tous deux en croissance au niveau mondial, sont fortement associés à la prospérité et à la réduction de la pauvreté. Cela affecte non seulement le nombre de personnes vivant dans la pauvreté, mais aussi le niveau de vie de ces pauvres. La Banque mondiale a annoncé il y a deux ans que le taux mondial de pauvreté devait tomber en dessous du seuil de 10 % pour la première fois dans l’histoire de l’humanité. Les inégalités ne sont absolument pas pertinentes pour expliquer ce développement.

En recourant à une méthodologie qui a été discréditée plusieurs fois, Oxfam prouve sans le vouloir que la lutte contre les inégalités est un échec intellectuel. Tout comme l’aide étrangère et l’allégement de la dette des pays pauvres n’ont pas réussi à faire changer les choses, l’obsession à propos des inégalités ne sera sans doute pas un remède miracle.

Mathieu Bédard est économiste à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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