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Textes d'opinion

Les shows de boucane du ministre Barrette

En santé, les gouvernements qui se succèdent au Québec ont toujours préféré « lancer de l'argent sur le problème » au lieu de tenter des réformes plus en profondeur du système. Les annonces dévoilées cette semaine poursuivent cette tradition.

Après 20 millions de dollars pour augmenter le nombre de salles de chirurgie disponibles dans l'espoir de réduire le temps d'attente pour se faire opérer, voilà maintenant qu'on « débloque » un autre 100 millions $ pour créer des places en CHSLD et ainsi, en théorie, désengorger les urgences.

On peut voir dans ces annonces de bonnes nouvelles, dans la mesure où on ajoute des ressources là où il en manque. Mais il faut placer les choses en perspective : de 2015 à 2016, le budget de la santé a augmenté de 800 millions $ pour atteindre, tenez-vous bien… 33,7 milliards $.

Donc, le 20 millions $ annoncé pour les salles de chirurgies correspond à 1/40 de la simple augmentation du budget total de la santé l'année dernière. En fait, le budget de la santé augmente de ce montant (20 millions $) tous les 10 jours!

Mais surtout : sans réforme en profondeur, sans changement dans la façon dont les services sont livrés, et par qui ils sont livrés, on risque simplement de jeter l'argent dans un puits sans fond, comme on le fait depuis des décennies. La structure actuelle, bureaucratique, centralisée et sclérosée, doit être revue de fond en comble.

À ce propos, Gaétan Barrette a un certain mérite. Il a laissé entendre qu'il voulait mettre en œuvre graduellement le financement à l'acte des hôpitaux. Voilà un signe encourageant. C'est une pratique régulière dans plusieurs des pays développés, où les décideurs ont compris que lorsque chaque patient devient une source de revenus pour l'établissement et non un coût, le système dans l'ensemble fonctionne mieux.

Mais une autre réforme doit voir le jour pour qu'un patient puisse choisir de façon éclairée l'hôpital le plus apte à lui fournir un traitement : la présence d'indicateurs de performance des hôpitaux. Dans un contexte où les hôpitaux sont financés à l'acte, un tel système les encourage à rehausser leur niveau de qualité pour attirer plus de patients, ce qui est souhaitable si l'on veut qu'ils contrôlent leurs coûts et améliorent leurs pratiques.

Il faut aussi instaurer la pratique mixte – comme dans la quasi-totalité des pays développés à l'exception du Canada – et mieux utiliser nos ressources existantes. En 2009, l'IEDM publiait une Note économique qui démontrait qu'autoriser les médecins spécialistes à travailler à la fois dans le public et le privé permettrait de combler en bonne partie la pénurie de spécialistes. En 2007, une autre enquête de l'IEDM avait révélé que les salles d'opération des hôpitaux du Québec sont utilisées à 50 % de leur capacité les jours de semaine.

Surtout, il faut cesser de craindre le secteur privé. Plusieurs pays sociaux-démocrates, dont la France, ont montré que l'apport du privé au système public est bénéfique pour tout le monde. En France, 40 000 médecins travaillent au sein de 1076 cliniques privées à but lucratif (soit environ 39 % de tous les établissements de santé avec capacité d'hospitalisation), tout comme 150 000 employés salariés. Ces médecins pratiquent pour la plupart à la fois dans le système public et le système privé.

Est-ce qu'on laisse pour autant mourir les pauvres dans la rue? Non. Tous les Français peuvent choisir de se faire soigner dans les cliniques privées, et les soins sont couverts par le régime public d'assurance maladie.

Je ne parle pas ici d'une « américanisation » de notre système de santé. Mais plutôt de s'inspirer des pays d'Europe, qui ont réussi à faire place à l'entrepreneuriat en santé tout en maintenant l'universalité de leurs systèmes. D'ailleurs, une proportion importante des Québécois sont en faveur de permettre davantage l'accès à des soins de santé privé. Pourquoi s'acharner à leur refuser cette option?

Bref, les réformes bureaucratiques et le rebrassage de structures ne suffisent plus. Il y a fort à faire pour réformer et moderniser notre système de santé, et il faudra un jour s'y attaquer.

Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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