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Textes d'opinion

Doit-on privatiser la SAQ? Une relique des années 20

Que fait l’État à vendre encore de l’alcool ?

Le monopole public de la Société des alcools du Québec (SAQ) est une relique des années 20 et de la prohibition, résultat de la décision d’exclure la bière, le vin et le cidre de la Loi sur la prohibition pour en confier le commerce à une « Commission des liqueurs ».

Aujourd’hui, cela n’aurait pas de sens d’inventer un tel monopole public, tout comme cela n’aurait aucun sens de nationaliser la vente des boissons gazeuses ou du chocolat. Alors pourquoi le tolérons-nous ?

Il existe une solution pour mettre fin au monopole de la SAQ, qui entraînerait des baisses de prix pour les consommateurs tout en protégeant une partie des revenus que l’État tire de la vente d’alcool : privatiser les actifs de la SAQ progressivement, mais aussi ouvrir le marché à la concurrence. C’est un complément important. Un monopole privé – et ses profits excessifs – n’est pas souhaitable ; l’ouverture à la concurrence est une condition sine qua non à la privatisation.

Trois avantages

Les consommateurs seraient avantagés, et ce, pour trois raisons. 

En premier lieu, avec des majorations de prix allant jusqu’à 135 %, il est évident que le client se fait présentement avoir. On sait désormais que les prix étaient trop élevés puisque la SAQ elle-même a récemment décidé, après bien des tergiversations, de réduire les prix des vins les plus vendus.

Deuxièmement, la SAQ a un sérieux problème de productivité. Comme le montre un rapport du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal, la SAQ n’a réalisé aucun gain de productivité depuis près de 30 ans.

N’importe quel économiste vous dira qu’il n’y a là rien de surprenant. Sans concurrent pour menacer ses parts de marché, le monopole a moins intérêt à innover ou à améliorer ses pratiques. Résultat : les clients font constamment les frais de hausses de prix.

Troisièmement, l’émergence d’un secteur dynamique et innovant permettrait à la concurrence de jouer son rôle d’aiguillon poussant vers l’innovation et la prise de risques, au profit des clients. De nouveaux modèles d’affaires apparaîtraient, offrant de nouveaux produits et de nouveaux services. On peut toutefois anticiper une constante : les innovations qui prospéreront seront celles qui répondront le mieux à nos besoins, parce que c’est le consommateur qui décidera en fin de compte.

Libérer le marché tout en imposant une taxe sur l’alcool au volume pourrait maintenir les revenus du gouvernement et, qui sait, les augmenter si la baisse de prix résulte en une consommation plus élevée de vin par les Québécois.

Dans un tel scénario, la SAQ en tant qu’entreprise n’est pas condamnée à disparaître. Elle devra toutefois s’ajuster à la concurrence.

J’irais même jusqu’à tendre la main à ceux qui s’opposent à la privatisation. Si le gouvernement met en vente les baux commerciaux et les inventaires d’alcool de la SAQ, rien n’empêche le Fondaction CSN ou le Fonds de solidarité FTQ de racheter la « marque de commerce » SAQ et quelques succursales.

S’ils pensent que c’est la meilleure invention depuis le bouton à quatre trous, les syndicats sont les bienvenus de maintenir une SAQ en service. Certains s’en réjouiront et y feront leurs emplettes. Pendant ce temps, d’autres iront acheter librement leur vin ailleurs.

Youri Chassin est économiste et directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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