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Textes d'opinion

Le Québec inc. excelle au «Hunger Games» des affaires

Couche-Tard est sur le point d'avaler une autre proie aux États-Unis, cette fois-ci son rival CST Brands, pour une somme d'au moins 3,4 milliards $US.

On fait beaucoup mention des entreprises d'ici qui se font acquérir par des étrangers, comme ce fut le cas avec la vente de RONA à l'américain Lowe's. Mais on parle moins de nos entreprises qui font la même chose. Le Québec compte pourtant son lot de « prédateurs »: Alimentation Couche-Tard, Garda, SNC-Lavalin, Saputo, Power Corporation, etc. Ailleurs au Canada, les banques, notamment, font aussi régulièrement du « magasinage » aux États-Unis.

Ceci est tout à fait sain dans une économie de marché. En effet, si les autres nations avaient des réactions aussi épidermiques que nos politiciens lorsqu'un de leurs « fleurons » se fait courtiser, il y a fort à parier que plusieurs des entreprises québécoises mentionnées ci-haut, qui ont fait de l'acquisition d'entreprises la pierre angulaire de leur modèle de croissance, seraient bien plus petites aujourd'hui et emploieraient moins de gens.

D'ailleurs, je n'ai pas l'impression qu'à San Antonio, où se situe le siège social de CST Brands, on déchire sa chemise. La chaîne de dépanneurs affichait des résultats décevants et se cherchait un acheteur depuis quelques temps. Cette acquisition par Couche-Tard, si elle se concrétise, s'avérerait une excellente nouvelle pour tous les actionnaires de CST Brands, dont la valeur de l'action n'a jamais été aussi élevée que depuis que courent ces rumeurs d'acquisition. Et ce le serait tout autant pour les employés et les fournisseurs de CST Brands. Je ne suis pas au courant des plans de Couche-Tard, mais le fait de faire partie d'une entreprise aux reins solides comme Couche-Tard, qui pourra notamment investir dans la mise à niveau des établissements, est à tout le moins sécurisant pour l'avenir.

Malheureusement, à moins de s'appeler Couche-Tard et de faire des transactions qui se chiffrent en milliards, les nombreuses entreprises québécoises qui achètent des concurrents étrangers font rarement parler d'elles. Rappelons qu'en juin, une autre entreprise québécoise, MTY, propriétaire de plusieurs chaînes canadiennes de restaurants, a acquis l'entreprise Kahala Brands, une compagnie dont le siège social est situé en Arizona et qui possède 18 chaînes de restaurants dans 25 pays. Je parie que vous n'en avez même pas entendu parler.

Ni du fait qu'au jeu des ventes et des acquisitions d'entreprises, le Québec est largement vainqueur. Depuis six ans, les Québécois sont plus souvent des prédateurs que des proies, par un ratio de 3 pour 1.

Ce qui est bon pour pitou est bon pour minou, comme dirait l'autre. On ne peut pas applaudir les MTY et les Couche-Tard lorsqu'ils grossissent en achetant un rival étranger, et s'opposer à l'investissement étranger chez nous parce qu'on juge que telle ou telle entreprise est « stratégique », ou un « fleuron », ou toute autre expression tirée du Petit lexique du protectionnisme.

Gardons en tête qu'une attitude hostile envers les investissements étrangers entraîne aussi le risque de freiner ces investissements au Québec. Un investisseur qui croit que les politiciens vont bloquer son éventuelle transaction ne sera pas très chaud à l'idée d'investir son argent ici, alors que cet investissement pourrait s'avérer la dernière chance de sauver une entreprise québécoise. C'est la réputation du Québec comme terre d'accueil pour les investissements qui est en jeu.

Enfin, mentionnons qu'il revient aux actionnaires, et non à la classe politique, de décider s'ils veulent vendre leur entreprise ou pas, et à qui ils devraient le faire.

Le protectionnisme n'est pas la solution. La meilleure défense, comme le dit si bien Katniss Everdeen, c'est l'attaque. Et au Hunger Games du monde des affaires, nos entreprises d'ici tirent très bien leur épingle du jeu.

Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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