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Textes d'opinion

La mauvaise prescription du docteur Barrette

Les auditions publiques concernant le projet de loi 81 débutent aujourd’hui, le 24 février, à Québec. Le but présumé de cette nouvelle intervention dans le domaine de la santé est de faire baisser le prix des médicaments, en donnant au gouvernement le pouvoir de lancer des appels d’offres pour fournir les médicaments vendus dans les pharmacies.

L’État cherche ainsi à mettre en concurrence les fabricants et les grossistes. Une idée qui peut paraître bonne à première vue, mais qui pourrait causer des problèmes majeurs dans l’accès à des services et des soins de santé de qualité, sans pour autant engendrer les économies escomptées.

Un des principaux problèmes est celui-ci : on peut élargir les appels d’offres et espérer générer des économies, mais cela pose le risque que le fabricant unique qui remportera le contrat puisse connaître des problèmes dans sa chaîne d’approvisionnement et causer par le fait même une pénurie de médicaments.

Cet avis est d’ailleurs partagé par le sous-ministre du Dr Barrette, Luc Castonguay. Dans un document confidentiel rendu public en décembre, il écrivait : « Le potentiel de baisse des médicaments apparaît maintenant moindre ; le recours aux appels d’offres accroît le risque de ruptures d’approvisionnement ; et enfin, à moyen terme, les appels d’offres pourraient entraîner une réduction de la concurrence. »

Il ne s’agit là que d’un risque parmi plusieurs que soulève ce projet de loi. Entre autres, il crée de l’incertitude inutilement et fragilise le secteur pharmaceutique, tout en enlevant la liberté de choix aux patients et aux pharmaciens. Alors que plusieurs souhaitent un système plus décentralisé, ce genre de politique ne fait que centraliser encore plus les décisions.

Dans une récente lettre ouverte écrite au nom de pharmaciens en provenance de tout le Québec et de toutes les bannières, trois pharmaciennes ont rappelé au ministre Barrette un certain nombre de réalités fondamentales qui méritent d’être soulignées.

Tout d’abord, le réseau des pharmacies appartient aux pharmaciens, et non à l’État.

Ce sont les propriétaires qui supportent les coûts et les risques financiers, et non le gouvernement.

Quand celui-ci décide de leur imposer des fournisseurs de médicaments et des grossistes, il s’ingère dans la gestion d’un commerce privé. C’est comme si, du jour au lendemain, tous les garages du Québec devaient acheter les plaquettes de frein du même fournisseur, que ce soit les concessionnaires Audi ou votre garage du coin.

Le projet de loi 81 soulève plusieurs questions :

– Se fier à une seule compagnie risque-t-il d’engendrer des pénuries ?

– Sans concurrents, qui exercera une pression à la baisse sur le « monopole » vainqueur de l’appel d’offres pour qu’il ne fasse pas grimper les prix ? (Soulignons à ce propos que le coût des médicaments génériques est en baisse au Québec depuis cinq ans.)

– N’est-on pas en train d’exproprier en quelque sorte les pharmaciens, eux qui détiennent souvent leur propre marque de commerce et service de distribution ?

– Le gagnant de l’appel d’offres pourrait-il être une compagnie étrangère, ce qui exclurait les compagnies canadiennes d’une partie du marché canadien ?

– Quels sont les dangers pour un patient qui suit une thérapie depuis plusieurs années avec un médicament en particulier, et qui devra soudainement changer si l’entreprise qui lui fournit son médicalement ne remporte pas l’appel d’offres ?

– Pourquoi enlève-t-on la liberté de choix aux patients et aux médecins ? Le ministre de la Santé met-il en doute le jugement des professionnels de la santé et de ceux et celles qui les consultent ?

Toutes ces questions demeurent sans réponses de la part du ministre Barrette. Espérons que la commission parlementaire qui se penche sur le projet de loi permettra d’y répondre.

Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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