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Textes d'opinion

Le Danemark, plus près du libre marché que du socialisme

Le sénateur socialiste Bernie Sanders, candidat à l'investiture du Parti démocrate pour la prochaine élection présidentielle américaine, aime bien citer le Danemark comme exemple que devraient suivre les États-Unis. Ici aussi au Québec, une certaine gauche s'inspire des expériences de pays scandinaves comme le Danemark ou la Suède pour justifier une intervention accrue du gouvernement dans l'économie.

Seul problème: le Danemark n'a absolument rien d'une utopie socialiste.

Comme le premier ministre danois Lars Løkke Rasmussen l'a dit lui-même, en réaction à cette vision romancée de son pays: « Je tiens à préciser une chose. Le Danemark est loin d'une économie socialiste planifiée. Le Danemark est une économie de marché. »

Certes, dans cette économie de marché, les taxes sont élevées et l'État intervient dans l'économie. Mais cela n'a pas toujours été le cas, et le rôle de l'État dans ce pays pourrait d'ailleurs être appelé à diminuer dans les années à venir.

Tout d'abord, un peu d'histoire. Bien évidemment, le Danemark n'est pas devenu riche grâce à la redistribution de la richesse. En fait, comme Otto Brøns-Petersen, du Centre danois pour les études politiques, l'a récemment expliqué, le pays s'est enrichi sous un régime de fiscalité et de dépenses pas très différent de celui des États-Unis. Les niveaux d'imposition danois n'ont pris leur essor qu'à partir de milieu des années 1960, et comme par hasard, le rattrapage du niveau de richesse de ses habitants par rapport à celui des Américains a commencé à s'estomper à ce moment. En d'autres termes, le Danemark est devenu riche en premier lieu, et c'est ensuite qu'il a augmenté les taux d'imposition des citoyens.

Ensuite, mettons les choses en perspective. Le Danemark se qualifie toujours comme une économie de marché aujourd'hui, malgré ses impôts élevés et l'importance de son État-providence, pour un certain nombre de raisons. Comme Brøns-Petersen le souligne, les droits de propriété sont bien protégés, la monnaie est stable, le commerce international est relativement libre et la réglementation des entreprises et du marché du travail demeure légère. Il y a peu de restrictions sur l'embauche et le licenciement, et pas de salaire minimum prévu par la loi.

Pour ces raisons, le Danemark se classe très bien dans les classements mesurant le degré de liberté économique (22e au classement de l'Institut Fraser, et 11e à celui de la Heritage Foundation). Il se classe encore mieux pour ce qui est de l'« indice de la facilité de faire des affaires » de la Banque mondiale, où il atteint le troisième rang.

Enfin, l'État-providence du Danemark est une structure plus branlante que solide. Les gouvernements successifs ont dû à plusieurs reprises réformer le système et réduire l'ampleur des transferts aux citoyens. Le journaliste britannique Michael Booth, qui a vécu en Scandinavie pendant plus d'une décennie et qui a écrit un livre sur son expérience là-bas, affirme que la qualité de l'éducation et des soins de santé « gratuits » n'ont rien d'extraordinaire. Les résultats des Danois dans les classements éducatifs PISA sont, au mieux, moyens; ils ont la plus faible espérance de vie de l'Union européenne (exception faite des anciens pays communistes), et ils ont les taux de décès en cas de cancer les plus élevés au monde.

Booth ajoute qu'il existe un large consensus sur le fait que l'État-providence danois est insoutenable, malgré les nombreuses réformes de ces dernières décennies. « Le ''sale petit secret'' danois est que la taille de son secteur public a crû grâce aux revenus du pétrole, qui aujourd'hui déclinent. »

Les leçons à tirer du modèle danois sont claires, même si elles ne sont pas celles que Bernie Sanders ou autres socialistes veulent entendre. Les Danois ont bénéficié de faibles impôts pour devenir riches, ils gardent un bon niveau de vie grâce à une réglementation légère, mais leur État-providence est un succès mitigé et, surtout, insoutenable. Tout le reste relève d'un conte de fées.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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