Les faits plutôt que les slogans
Contrairement à ce que l’on pourrait croire en observant les manifestations et en écoutant les slogans syndicaux, l’État québécois n’est pas en voie d’être démantelé. Loin de là. Les ressources en éducation, entre autres, demeurent comparables ou supérieures à ce que l’on a pu connaître dans les années 90.
Bien sûr, il est normal de souhaiter plus. Il est tout à fait légitime pour les enseignants, par exemple, de vouloir améliorer leurs conditions de travail. Et pour les syndicats qui les représentent, de les aider à atteindre cet objectif. C’est leur travail après tout. Et avec des salaires d’environ 58 000 $ par année après 10 ans, on ne peut certes pas prétendre que les enseignants québécois sont « surpayés ».
Toutefois, avant de dénoncer ce qui serait, selon certains, l’apocalypse, il est essentiel d’être au courant des faits suivants :
- en éducation, selon les chiffres récemment colligés par le chroniqueur Francis Vailles, les fonds versés à tout le réseau, du préscolaire à l’université, ont augmenté de 50 % depuis 2004 ;
- les fonds consacrés à cette mission ont donc augmenté de plus de 4 % par année en moyenne, soit plus du double de l’inflation (1,8 %) et plus que le PIB (3,3 %). Et cela, pendant que la fréquentation annuelle dans les établissements scolaires a fluctué de – 1 à + 2 % ;
- et lorsque, contrôle des dépenses oblige, certaines subventions sont éliminées, c’est d’abord et avant tout une occasion de revoir nos façons de faire et de les améliorer.
La commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, dans un cas bien documenté par les médias, a démontré qu’il était possible de réduire les dépenses sans que les élèves en souffrent.
Même si le gouvernement a exigé des coupes additionnelles de 6,5 millions dans son budget pour la prochaine année scolaire, la direction a scruté les dépenses à la loupe et ajusté certains programmes, comme l’aide aux devoirs, qui, selon elle, était devenue un « fourre-tout », afin de les rendre plus efficaces. Du coup, la commission scolaire a réussi à faire plus avec moins.
Pour ce qui est des employés du secteur public dans l’ensemble :
- il faut garder en tête qu’en tenant compte de l’ascension dans les échelons salariaux, une bonne partie (environ 40 %) des employés du secteur public obtiendrait, avec l’offre du gouvernement actuellement sur la table, une augmentation supérieure à l’inflation pour les cinq prochaines années ;
- un enseignant dans la trentaine avec six ans d’expérience, par exemple, aurait droit à une augmentation moyenne de 5,1 % pour les cinq prochaines années. Cela se compare très avantageusement avec le secteur privé en général, où l’on prévoyait des augmentations salariales moyennes de 2,7 % pour 2015 ;
- si l’offre syndicale était acceptée telle quelle, le salaire d’un enseignant dans la trentaine avec six ans d’expérience augmenterait grandement, soit d’un montant 29 715 $ après cinq ans, selon nos calculs.
Au dire même de Martin Coiteux, président du Conseil du trésor, dans une entrevue au magazine
, la politique du gouvernement est non pas austère, mais « très expansionniste », car nous empruntons 8,5 milliards par année pour payer nos dépenses en infrastructures, comme les routes et les hôpitaux. Il ajoutait que « nos politiques ne se comparent pas aux vraies mesures d’austérité qui ont été appliquées dans certains pays d’Europe ».Enfin, si certains d’entre vous croient toujours que l’État subit un traitement-choc « néolibéral » et « de droite », sachez qu’en tenant compte de l’inflation, les dépenses publiques totales par habitant ont augmenté de près de 35 % entre la fin des années 1990 et aujourd’hui.
Ainsi donc, le gouvernement provincial actuel tente de contrôler la croissance des dépenses. Il est très loin de réduire les dépenses en termes absolus, comme tentent de le faire croire certains groupes organisés.
Dans ce débat, on peut vouloir prendre la part des contribuables québécois, ou celle des employés de l’État. Les deux positions sont légitimes et se défendent. Mais ce débat doit avoir lieu sur la base de faits, et non en fonction d’une série d’impressions et de slogans.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.