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Textes d'opinion

Tabac: le vrai débat qui se cache derrière la fumée

Alors que se déroulent les consultations publiques sur le projet de loi 44 visant à renforcer la lutte contre le tabac, divers groupes manifestent leur mécontentement. Il y a, notamment, les tenanciers de bars qui le trouvent trop sévère, alors que d'autres, à l'inverse, invitent le gouvernement à imposer des mesures encore plus restrictives.

Le projet de loi se penche sur plusieurs aspects de la consommation de tabac, mais ne visait pas, jusqu'ici, la question de l'emballage neutre. Cependant, la ministre déléguée à la Santé publique a récemment affirmé qu'elle étudiera la possibilité de forcer les cigarettiers à utiliser un « emballage neutre et standardisé » pour la vente des produits du tabac. Une telle loi sur l'emballage neutre a été adoptée en Australie en 2013.

L'emballage neutre s'attaque aux droits élémentaires d'une entreprise et de ses actionnaires, comme la propriété intellectuelle. En effet, les marques et la publicité sont des éléments fondamentaux d'un marché concurrentiel. Or, ce type de réglementation vise à standardiser la forme ou la couleur des paquets de cigarettes et les mises en garde qui y figurent, et prive donc les propriétaires de marques de leur propriété intellectuelle, et ce, sans par ailleurs offrir de compensation.

Cette mesure est-elle au moins efficace? En Australie, selon certains, l'emballage neutre aurait contribué à faire diminuer de quelque 12 % la consommation de tabac de décembre 2013 à décembre 2014.

Mais d'autres données suggèrent le contraire. En observant les importations de cigarettes, on note qu'au cours des 12 premiers mois suivant la mise en place de la politique d'emballage neutre, les volumes ont plutôt augmenté au pays. Ce qui suggère que la consommation de tabac n'aurait pas diminué suite à l'introduction de l'emballage neutre, mais augmenté.

Le débat est ailleurs

Pour moi, le débat est ailleurs. Je pense que les deux groupes ont tort ou, plutôt, qu'ils passent à côté de l'essentiel dans cette guerre de chiffres au fond assez technique, et à l'égard de laquelle je n'ai pas d'opinion forte dans un sens ou dans l'autre. Je n'ai personnellement aucune idée si la consommation de tabac en Australie diminue de 3 % ou 12 %, ou augmente de 0,5 %, ou fait du surplace.

Voici, pour moi, la question importante que l'on évacue ici : acceptons-nous que des adultes, en toute connaissance de cause, puissent faire des choix, y compris des choix qui sont mauvais pour leur santé? Les humains, au cours de leur vie, font un ensemble de choix et adoptent des comportements plus ou moins risqués – incluant de faire des sauts en benji ou en parachute, ou encore d'avoir des relations sexuelles multiples non protégées, ou bien de manger trop gras ou trop sucré. Et ils sont responsables de ces choix. Pour le meilleur ou pour le pire.

Bon, peut-être qu'en 1950 ou en 1960, il y avait encore des gens qui ignoraient que le tabac était néfaste pour la santé. Mais, en 2015, absolument personne ne peut prétendre ignorer cette information.

D'ailleurs, je me réjouis de voir qu'une partie de la classe politique s'oppose également, sur la base de la liberté individuelle, à ce qu'on impose toute une série de nouveaux règlements sur la consommation de tabac, comme le rapportait il y a quelques mois l'excellent journaliste Denis Lessard.

Ces députés ont raison. Car le vrai débat, il est là. Au-delà de la guerre de statistiques, les principes de liberté et de responsabilisation doivent revenir au cœur des discussions entourant la consommation de tabac, ou de tout autre produit ou service jugé « nocif » pour la santé.

Rappelons que Mao avait rendu obligatoire pour les employés des entreprises d'État de faire de l'exercice chaque jour. C'était probablement bon pour leur santé. Enfin, on peut le supposer. Mais est-ce bien le genre de société dans laquelle nous voulons vivre? Pas besoin d'être un libertarien radical pour commencer à se poser de sérieuses questions sur la tendance de certains groupes militants, et des politiciens qui les suivent, à vouloir régimenter tous les aspects de la vie des gens, sous prétexte de protéger leur santé.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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