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Textes d'opinion

Le porte-monnaie percé de Loto-Québec

Il semblerait que le gouvernement Couillard songe à privatiser certaines sociétés d'État. Lors d'une récente entrevue avec l'agence Reuters, le ministre des Finances, Carlos Leitao, se disait ouvert à une hypothétique privatisation. Jacques Daoust, ministre de l'Économie, effleurait prudemment l'idée de redonner aux entreprises le rôle de gérer les jeux de hasard. Une idée louable sachant que les derniers bilans financiers de Loto-Québec nous démontrent que la société a peine à s'adapter aux changements rapides de cette industrie très compétitive.

En effet, dans les neuf mois précédant le 29 décembre 2014, Loto-Québec a enregistré une baisse de 5% de ses profits, en comparaison avec la même période en 2013. Les revenus étaient en chute libre pour tous les services de jeu de hasard (loterie, casinos, paris sportifs, bingo, loterie vidéo).

Comment un monopole étatique peut-il connaître de si piètres résultats? En bref, c'est son statut même de monopole qui l'empêche de s'adapter rapidement aux changements de l'industrie.

Loto-Québec a été fondée en 1969 dans l'objectif de gérer et développer les loteries dans la province et pour profiter des revenus collectés à travers les activités reliées aux jeux de hasard. À ce jour, aucune autre entité ne peut légalement opérer de loteries à l'intérieur des frontières du Québec.

Or, l'industrie du jeu en ligne se développe dans une zone grise, en parallèle avec des activités de Loto-Québec. Ces entreprises en théorie illégales privent le Trésor québécois de millions de dollars par année, en plus de ne pas être soumises aux mêmes standards éthiques et fiscaux que la société d'État.

La prohibition, dans ce cas comme dans plusieurs autres, n'a pas fonctionné et ne fonctionnera pas. Sachant cela, pourquoi ne pas laisser l'économie de marché s'épanouir dans ce secteur, comme elle le fait dans bien d'autres ?

Au lieu de développer, opérer et gérer les jeux en ligne, Loto-Québec pourrait octroyer des permis à plusieurs compagnies qui pourraient elles-mêmes être responsables du bon fonctionnement de ces services. Ces entreprises spécialisées seraient certainement plus dynamiques que le monopole gouvernemental, avec son approche bureaucratique. De plus, elles seraient plus à même d'offrir des jeux et des services qui satisfont les demandes des consommateurs. Ces entreprises pourraient ensuite payer des dividendes au gouvernement, comme le fait Loto-Québec, et ainsi faire profiter la société dans son entier.

La même logique s'applique à tous les autres produits et services du monopole. Le Casino de Montréal, par exemple, a fait moins d'argent dans les trois premiers quarts de cette année fiscale que durant la même période l'année précédente, alors que le casino était en pleine rénovation — des rénovations qui ont d'ailleurs coûté plus de 300 millions de dollars. Pourquoi ne pas laisser à des entrepreneurs le soin de gérer les casinos ? Ne sont-ils pas, par définition, de meilleurs gestionnaires ? Vous pouvez parier qu'ils trouveront de nouvelles manières d'innover et de satisfaire les besoins de leur clientèle. Bien entendu, ceux-ci pourraient eux aussi devoir payer des dividendes au gouvernement.

En ce moment, l'État est à la fois un pourvoyeur de « vice » et un chantre de l'abstinence. Si le gouvernement sortait de cette industrie, il pourrait mieux allouer ses énergies à sa tâche contradictoire de combattre le jeu excessif. Il ferait probablement un travail de prévention beaucoup plus efficace en aval, s'il n'était pas en train de promouvoir les jeux de hasard en amont.

Personne ne conteste que cette industrie requiert un cadre réglementaire particulier. Beaucoup de gens apprécient l'ivresse du pari et peuvent jouer sans problème, mais on ne peut pas négliger la portion de gens qui perdent le contrôle. Plusieurs soulèvent aussi le problème de l'influence du crime organisé, ou encore des conflits d'intérêts dans les paris sportifs.

Mais un gouvernement qui ne serait pas lui-même impliqué dans la production et la promotion de jeux de hasard pourrait s'attaquer aussi bien, sinon mieux, à ces problèmes. En outre, ces produits et services bénéficieraient de l'apport créatif du marché, en évoluant pour fournir aux joueurs une plus grande satisfaction et, par le fait même, procurant potentiellement des revenus plus élevés au gouvernement. Si on laisse le marché faire ce qu'il est le mieux habilité à faire, tout le monde en sort gagnant.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

Lire ce billet à partir du site du Huffington Post Québec.

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