La liberté économique n’améliore pas seulement notre bien-être matériel
Il y a une vision, malheureusement trop répandue, de la liberté économique qui voudrait que ses bienfaits soient purement monétaires et financiers. Il est vrai que les mesures de la liberté économique montrent qu’il y a un lien évident entre celle-ci et la prospérité, et que quand ces deux choses vont de pair la prospérité profite à toutes les couches de la société. Mes collègues Yanick Labrie et Bradley Doucet font le tour de la question dans une Note économique publiée aujourd’hui.
Mais comme ils le rappellent, cette prospérité va plus loin que le simple aspect matériel. Elle a aussi un effet considérable sur d’autres aspects du bien-être, dont la santé, le niveau d’éducation, l’espérance de vie et même la satisfaction à l’égard de la vie ou, si l’on veut, le bonheur. L’explication est simple : plus on est libre, plus on peut produire de richesse; et plus on produit de richesse; plus on peut se permettre des choses comme des soins de santé, des écoles, un environnement plus sain, etc.
Laissez-moi insister sur le fait que ce ne sont pas bénéfices abstraits, ou qui se limitent au confort de certains. Au contraire, ils ont un véritable impact sur les conditions de vie dans le monde. Prenez par exemple le bien-être de la femme.
Les recherches de l’économiste Michael D. Stroup ont montré que les femmes vivant dans les pays avec le moins de liberté économique ont un tiers plus de chance d’être analphabète, quatre fois plus de chance d’avoir leur premier enfant durant leur adolescence, et 20 fois plus de chances de mourir durant un accouchement.
La liberté économique a aussi un effet sur les inégalités homme-femme. Entre les pays les plus libres et les moins libres, la mesure de l’auteur varie du simple au double. On oublie trop souvent ce rôle de la liberté économique à promouvoir des objectifs sociétaux qui ne sont ni monétaires, ni financiers.
La liberté économique n’est donc pas seulement désirable parce qu’elle rend toutes les couches de la société plus riches. On s’aperçoit qu’elle accompagne presque toutes les choses que nous valorisons qui ne sont pas à proprement parler économiques. En plus du bien-être de la femme, les études montrent aussi le lien étroit entre la liberté économique et les droits civiques, la paix, et l’absence de corruption. Si nous voulons davantage de ces bienfaits, nous avons plus de chance de les obtenir avec plus de liberté économique.
Fort heureusement, les mesures de la liberté économique indiquent que le monde est de plus en plus libre économiquement. Les deux principaux indicateurs, le rapport Economic Freedom of the World de l’Institut Fraser et l’Index of Economic Freedom de la Heritage Foundation, montrent une augmentation ces vingt dernières années, et celle-ci n’est pas restreinte à une seule partie du monde, ni aux pays qui sont déjà en tête du classement.
La Chine et l’Inde, les deux nations les plus populeuses de la planète, ont aujourd’hui des économies beaucoup plus libres qu’il y a quelques décennies, même s’il reste encore beaucoup de chemin à faire. On pourrait difficilement exagérer l’importance des changements qui se sont produits dans ces deux pays, qui ont permis à un nombre phénoménal de gens de vivre une vie considérablement meilleure que leurs parents avant eux. Voilà de quoi être optimiste pour le bien-être et le progrès dans le monde.
En fin de compte, être contre la liberté économique, c’est se mettre dans la position difficile de devoir expliquer pourquoi on est contre quelque chose qui accompagne, et stimule, la santé et l’éducation, l’émancipation de la femme, l’éradication de la misère dans le tiers monde, et les droits civiques. Heureusement, le monde n’a pas attendu ces opposants pour bouger dans le sens de plus de liberté.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.