Il faut recentrer le travail de nos policiers
Nos municipalités peuvent-elles économiser de l’argent sans nous priver de services de qualité, et même en augmentant la qualité des services? Lorsqu’on parle de services de police, la réponse est oui, sans équivoque.
Les dépenses policières n’ont cessé d’augmenter au Canada depuis plus de 25 ans, malgré une baisse du taux de criminalité. Certes, il y a eu une augmentation du nombre de policiers durant cette période, qui a bel et bien contribué à cette réduction de la criminalité. Mais cela s’explique aussi par le fait que les policiers accomplissent de plus en plus de tâches.
Pour contenir la croissance des coûts en assurant un service de sécurité publique de qualité, il faudrait recentrer leur travail sur leurs fonctions essentielles. Pour ce faire, davantage de tâches auxiliaires pourraient être confiées aux entreprises de sécurité privée, comme le proposent mes collègues dans une nouvelle publication de l’IEDM lancée aujourd’hui.
Quelles sont ces fonctions essentielles? Celles qui demandent de bien comprendre le droit, de gérer des situations de crise et d’utiliser la force physique si nécessaire. On parle ici d’intervenir lorsqu’un crime est en cours, d’effectuer une poursuite en voiture, de neutraliser des attaquants – bref, des activités avec un fort potentiel de violence.
Mais est-ce qu’il faut nécessairement un policier pour passer en revue les images des radars photo et y confirmer les excès de vitesses? Est-ce que ça prend un policier pour rédiger des rapports à la suite de cambriolages ou de plaintes?
La rémunération totale d’un policier du Service de police de la Ville de Montréal s’élève en moyenne à près de 120 000 $ par année. Un agent de sécurité, en comparaison, coûte environ 40 000 $ au Québec. Il y a certainement des économies à faire dans ce domaine sans que la sécurité publique n’en souffre.
À titre d’illustration, mes collègues ont pris l’exemple d’une opération de barrage routier de huit heures et demie à Montréal visant à épingler les conducteurs aux facultés affaiblies. Ce genre d’opération nécessite normalement huit policiers, ce qui coûte à la Ville de Montréal 4994 $.
Cependant, la plupart des tâches liées à ces barrages routiers sont des tâches auxiliaires : installer la signalisation, administrer les alcotests, remplir des rapports, etc. Si cette même opération était gérée par six agents de sécurité et deux policiers, le coût pourrait être réduit à 2332 $, soit une économie de plus de 50%.
L’administration municipale de la Ville de Montréal a annoncé en décembre dernier que pour des raisons budgétaires, elle veut réduire le nombre de policiers de 45 postes par année au cours des cinq prochaines années. S’il est question de conserver le même niveau de services malgré la réduction des effectifs policiers, il n’y a pas d’autre option : il faut impartir certaines tâches auxiliaires au secteur privé.
En effet, cette division du travail entre agents de sécurité et policiers n’aurait pas uniquement pour effet d’économiser des fonds publics; elle augmenterait aussi la productivité policière et pourrait même réduire la criminalité. Lorsque de telles stratégies ont été adoptées à New York, à Los Angeles et en Grande-Bretagne, les taux de criminalité ont chutée.
La leçon est claire : il est possible de gérer autrement la sécurité publique et de faire davantage tout en économisant.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel. Lire le billet à partir du site du Le Journal de Montréal.