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Textes d'opinion

BIXI et voitures électriques : Quand faut-il tirer la plogue?

Pour les politiciens comme pour les économistes, il est important de savoir si une dépense du gouvernement est un succès ou un échec. Le problème, c’est qu’il est difficile de s’entendre sur la définition d’un succès ou d’un échec.

Des bornes électriques de 5000 $ utilisées 6 fois par mois

Prenez l’exemple des voitures électriques. Le gouvernement veut électrifier les transports alors on pose un peu partout des bornes électriques pour recharger ces véhicules disposant d’une faible autonomie.

Dans le Journal de Montréal, Pierre Couture nous apprend toutefois qu’elles ne sont utilisées que 6 fois par mois en moyenne. Bien sûr, il faut des voitures électriques pour utiliser les bornes et il faut des bornes pour favoriser la vente de voitures électriques. Ce n’est peut-être qu’une question de temps après tout.

À moins que ce soit en fait un échec en devenir. Les quelque 20 millions de dollars provenant des taxes et des impôts des Québécois n’ont pour l’instant profité qu’à 4200 propriétaires de véhicules électriques.

70 vélos BIXI pour 17 déplacements par jour

Dans un autre article paru récemment dans La Presse, on apprend que le BIXI serait en péril à Longueuil. Après avoir investi 359 000 $ dans les vélos et les stations, puis 570 000 $ pour faire fonctionner ce système, la Ville de Longueuil n’est parvenu qu’à susciter 302 abonnés au service de BIXI et 17 utilisations par jour, en moyenne!

Sur une base annuelle, on parle d’environ 110 000 $ du budget municipal consacré aux 70 vélos BIXI. Et 17 déplacements par jours devraient donner 3168 déplacements durant la saison 2014. En bref, les contribuables longueuillois subventionnent chaque trajet au coût unitaire de 35 $, sans compter le coût de l’abonnement. Ou 1571 $ pour chaque vélo par année. Le calcul est simplet, mais ça illustre les ratés du BIXI à Longueuil.

Toutefois, selon la conseillère municipale Sylvie Parent, qui est en plus responsable des finances (!) au comité exécutif de la Ville de Longueuil, il est possible de voir ce fiasco comme un succès relatif puisque « on peut se dire que nos objectifs d’intermodalités sont atteints ». Il me semble que la municipalité et les Longueuillois n’ont pas du tout les mêmes « objectifs d’intermodalités », si l’on en croit les résultats jusqu’à présent.

Jusqu’où s’entêter?

Dans le cas des BIXI à Longueuil comme dans le cas des voitures électriques, la question de savoir jusqu’à quel point on doit s’entêter à financer de tels projets se fait pressante. Avec un effort d’imagination, on peut bien tenter de justifier l’impact positif de chaque projet, mais est-ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle?

Les économistes comme moi pourraient avoir eu des doutes depuis longtemps ou auraient recommandé d’abandonner le projet. Cependant, les politiciens ne pensent pas en ces termes. Ils cherchent d’abord à séduire quelques électeurs portés sur les « déplacements actifs » ou « l’électrification des transports », quitte à faire payer discrètement une petite somme à tous les autres. C’est la théorie des choix publics.

Ceux qui en profitent sont effectivement très contents. Les usagers du BIXI à Longueuil ne doivent pas se cogner souvent le nez sur des stations vides de vélos! Et même si ça coûte 110 000 $ par année dans le budget de la Ville de Longueuil, ça ne représente qu’une dépense de 25 ¢ par habitant environ. À l’échelle du Québec, 20 millions de dollars pour les voitures électriques, c’est 2,50 $ par habitant. Pas de quoi faire un drame!

Eh bien trop tard parce que cette fois-ci, l’histoire est parue dans les médias. La logique des choix publics ne fonctionne plus si les électeurs prennent soudain conscience qu’ils paient trop cher pour des services dont ils n’ont pas besoin. Ça, c’est un échec politique clair. C’est vraiment lorsque les politiciens auront l’air fous qu’ils reculeront.

Youri Chassin est économiste et directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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