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Textes d'opinion

Un chroniqueur en terrain glissant

Dans son texte « Un chien en ski (dans un texte sur l’économie) ! », Mathieu Charlebois tente de discréditer le compteur de la dette de l’Institut économique de Montréal (IEDM), tout en faisant de l’humour. À notre avis, il échoue dans les deux cas.

L’auteur laisse entendre que l’IEDM souhaite faire peur aux gens en utilisant « un chiffre plus élevé que celui que calcule le gouvernement ». Si M. Charlebois s’était donné la peine de consulter les documents budgétaires (une opération « plate », oui, mais nécessaire lorsqu’on fait de l’opinion et qu’on se prononce sur un sujet hors de notre champ de compétence), il aurait constaté que la dette du secteur public n’est pas notre invention, mais une donnée diffusée dans le budget du gouvernement lui-même, page E.15 précisément.

D’ailleurs, le vérificateur général lui-même considère que cette mesure de la dette dresse un portrait plus juste de ce qui sera remboursé directement ou indirectement par le gouvernement du Québec, puisque ce dernier s’est engagé à honorer les dettes des universités, des municipalités et des autres entreprises sous sa responsabilité finale. (Je suggère d’ailleurs aux lecteurs de L’actualité intéressés par la question de la dette de visiter notre section Q&A à cet effet sur notre site.)

Toujours à propos de la dette, M. Charlebois se demande : « Est-ce beaucoup ? Est-ce trop ? » Une piste de réponse est : en 2014-2015, le service de la dette coûtera 8,6 milliards de dollars, ce qui en fait le troisième poste budgétaire après la santé et l’éducation. Tous ces milliards alloués à la dette ne peuvent servir à d’autres initiatives louables, que ce soit d’améliorer l’accès à des soins de santé pour tous, l’entretien des routes, ou de réparer nos ponts d’étagement et nos écoles.

Loin de moi l’idée de « faire peur » à M. Charlebois, mais il existe, en plus, une autre forme d’endettement de l’État qui se superpose à la dette publique : les engagements de celui-ci à payer les prestations d’une foule de programmes sociaux. Par exemple, les dépenses liées au Régime des rentes du Québec, à la Société d’assurance automobile du Québec, au Régime québécois d’assurance parentale ou même aux garderies subventionnées (CPE et autres). Bien que les programmes sociaux ne représentent pas une dette à proprement parler — puisque le gouvernement peut toujours en modifier la nature —, Québec devra vraisemblablement, pour les maintenir, hausser les cotisations des employés et employeurs, ou en réduire les prestations.

Peu importe la mesure de la dette que l’on utilise, le Québec est la province la plus endettée du Canada. Et si on ne s’attaque pas au problème, cette facture collective continuera à grimper. Car plusieurs facteurs conjoncturels pourraient aggraver rapidement le problème d’endettement de la province dans les années à venir. Entre autres le vieillissement de la population, qui est plus prononcé au Québec qu’ailleurs au Canada et qui ajoutera une pression sur notre système de santé.

Qu’on soit un adepte de Keynes ou de Hayek, il s’agit là d’une réalité incontournable. Résultat d’une complaisance de la part de nos élus au fil des ans, elle-même alimentée en partie par des commentateurs politiques plus occupés à se donner en spectacle qu’à bien informer leur public.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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