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Textes d'opinion

Bourse du carbone: dans quelle galère embarquons-nous?

On a parfois l’impression que le prix de l’essence à la pompe augmente juste avant les vacances de la construction, au moment où des milliers de familles partent sur les routes du Québec. Je ne sais pas ce qui va se passer avec le prix du pétrole dans deux semaines, mais je peux par contre prédire que dans six mois, il y aura une douloureuse hausse des prix de l’essence.

On en parle peu, et pourtant c’est le 1er janvier 2015 que la Western Climate Initiative, le marché du carbone formé par le Québec et la Californie, fera augmenter le prix de l’essence, de l’énergie et de tout ce qui est produit au Québec. Cela touchera de plein fouet nos portefeuilles et notre économie.

L’idée d’un marché de carbone n’est pas mauvaise en soi : il s’agit d’un mécanisme pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES) qui permet aux organisations d’acheter et d’échanger des « droits de polluer ». Si on émet plus de GES que prévu, il faut acheter des droits alors qu’on peut en vendre si on réduit les émissions sous la limite permise, ce qui récompense les bons élèves. La quantité globale de ces droits est déterminée par les gouvernements et leur prix ira en augmentant, de sorte que les entreprises et les citoyens réduiront leurs émissions de GES. C’est par un mécanisme similaire qu’on est venu à bout des pluies acides, notamment.

Comme nombre de bonnes idées, malheureusement, c’est dans son application que le marché du carbone pose problème. Ainsi, dès janvier, le prix du litre d’essence augmentera d’environ 3¢ en raison de cette nouvelle taxe.

On peut penser que les Québécois seraient prêts à payer un peu plus cher pour se déplacer. Mais on ne doit pas oublier que le Québec est déjà une des provinces taxant le plus l’essence au Canada. Cette augmentation de 3¢ par litre n’apparaît pas substantielle en elle-même, mais c’est le total qui fait mal quand on sait qu’une famille possédant deux voitures paie facilement plus de 1200 $ par année en taxes sur l’essence.

Le ministère de l’Environnement s’enorgueillit du fait que le prix d’un droit sur notre marché du carbone sera l’un des plus onéreux au monde. Le gouvernement prévoit que d’ici 2020, ce sont plus de 2,4 milliards de dollars que les entreprises devront débourser pour acheter des droits d’émission au lieu d’investir dans leur développement. Cette estimation suppose un prix minimum sur les droits d’émission qui pourrait bien être encore plus élevé.

L’impact de ce coût supplémentaire sera une perte de compétitivité pour les entreprises installées ici et un ralentissement de l’économie. En effet, la Western Climate Initiative a été lancée au départ par sept États des États-Unis et quatre provinces canadiennes, dont l’Ontario. Toutefois, seuls le Québec et la Californie ont décidé pour le moment de mettre cet accord en application. De l’autre côté de la rivière des Outaouais et au sud de la frontière, les coûts des combustibles deviendront plus avantageux.

Le Québec est déjà premier de classe parmi les dix provinces canadiennes en ce qui a trait aux émissions de GES par habitant. Même la Californie n’a pas adopté d’objectifs aussi ambitieux que le Québec sur ce plan. Or, chaque réduction supplémentaire est plus coûteuse à aller chercher quand on est déjà bas, ce qui nous défavorise encore plus.

Au Québec, on se fait une fierté d’être à l’avant-garde du développement durable. C’est louable. Sauf que dans le cas du marché du carbone, personne ne nous suit. Ne pourrions-nous pas travailler à attirer d’autres partenaires pour ramer dans le même sens, dont l’Ontario, avant de s’embarquer dans cette galère?

Youri Chassin est économiste et directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel. *Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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