Réviser le rôle de l’État : Un chantier urgent (partie I)
Le portrait des finances publiques du Québec brossé par les économistes Luc Godbout et Claude Montmarquette à la suite de l’élection du nouveau gouvernement libéral est sombre. La situation est pire que ce à quoi on pouvait s’attendre sur la base du dernier budget. Le gouvernement perçoit moins de revenus que prévu, il dépense plus que prévu et ce problème est structurel, c’est-à-dire qu’il est là pour durer et ne fera qu’empirer si rien n’est fait. Il faut trouver rapidement 3,7 milliards pour respecter les cibles budgétaires de cette année. Le Québec continue de vivre au-dessus de ses moyens, mais cette fois, la situation devient urgente.
Pourquoi il y a urgence
Le déséquilibre fiscal peut provenir de revenus trop faibles ou de dépenses trop élevées. Qu’en est-il ?
Du côté des dépenses, le dérapage structurel dans les dépenses s’explique en partie par le coût des régimes de retraite des fonctionnaires. Or, tout indique que les taux d’intérêt vont demeurer bas , ce qui risque d’empirer le déficit de ces régimes, que les contribuables doivent renflouer.
Les deux chercheurs soulignent aussi dans leur rapport que le nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans diminuera à partir de 2014. Cette situation démographique, soit le vieillissement de la population, entraînera aussi une hausse des coûts pour l’État. On prévoit que les dépenses de santé augmenteront plus rapidement que la croissance économique prévue dans les prochaines années, ce qui pourrait se traduire par de nouvelles taxes et de nouveaux impôts, alors que la pression fiscale est déjà élevée sur les citoyens et les entreprises.
Le retour à l’équilibre dépend aussi des revenus de l’État, tributaires de la croissance économique. Or des obstacles s’accumulent devant elle. En particulier, contrairement aux décennies précédentes, la croissance économique reposera uniquement sur la hausse des taux d’emploi et sur la productivité, en raison de la baisse de la population en âge de travailler.
Si on n’agit pas rapidement, une éventuelle décote du Québec par les agences de notation aurait pour effet direct d’accroître les frais d’intérêt de la dette, ce qui drainerait encore plus d’impôts et de taxes des contribuables québécois vers le service de la dette au détriment des services offerts à la population. En 2013-2014, le gouvernement aura consacré 10,8 milliards de dollars uniquement pour payer les intérêts sur la dette, ce qui est plus que le budget du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.
L’urgence d’agir provient aussi de cette lourde dette que traîne le gouvernement québécois. Après tout, si la dette était réduite du tiers, réduisant d’autant le service de la dette, le gouvernement ne serait pas en déficit. Le contrecoup le plus concret de la dette, c’est de rendre de plus en plus précaires les finances publiques. Comme la trajectoire actuelle n’est pas soutenable, un coup de barre s’impose. Il ne s’agit plus que de savoir distinguer les mauvaises solutions des bonnes.
Youri Chassin est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.