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Textes d'opinion

La dette du secteur public, notre « vraie » dette

Le temps de lire ce texte, nous serons collectivement endettés d’un autre 100 000$ ou presque.

La dette du Québec, quasi-inexistante il y a une cinquantaine d’années, s’élève à plus de 265 milliards de dollars aujourd’hui. Et elle augmente à un rythme effarant.

Je parle ici de la dette du secteur public québécois. Il y a plusieurs définitions de la dette (nette, brute, du secteur public, etc.), et en cette période électorale, alors qu’on vous bombarde de chiffres à droite et à gauche, c’est particulièrement important de garder en tête que la dette qui devrait nous préoccuper, c’est celle qu’on appelle « dette du secteur public ».

Pourquoi? Tout simplement parce ce que cette définition donne le portrait le plus englobant de la dette supportée directement ou indirectement par le gouvernement du Québec, comme l’a d’ailleurs déjà souligné le vérificateur général. Elle inclut non seulement ce que le gouvernement gère directement, mais aussi la dette des universités, des municipalités et des autres entreprises sous la responsabilité finale du gouvernement. Celui-ci s’est engagé à honorer ces dettes, donc la facture pourrait revenir aux contribuables québécois.

Oui, mais nous avons des actifs…

Certaines personnes ont tendance à minimiser l’importance de notre dette collective en faisant valoir que nous possédons des « actifs » qui réduiraient de beaucoup notre dette. Un peu comme la valeur d’une maison compense votre dette hypothécaire. C’est vrai en (petite) partie, mais cela ne change pas le problème fondamental.

Nous avons beau avoir des écoles, des hôpitaux, des ponts ou des parcs nationaux, on ne vendra pas ces actifs pour rembourser la dette. D’ailleurs, les immobilisations et infrastructures que possède le gouvernement peuvent difficilement être évaluées à leur valeur marchande, étant donné l’absence de marchés comparables. C’est pourquoi ni le gouvernement, ni le vérificateur général ne tiennent compte de ces actifs lorsqu’ils tentent de peindre un portrait réaliste de la dette que la population québécoise devra un jour rembourser.

Aussi, il faut comprendre que ces actifs — souvent financés par endettement — ne réduisent aucunement le total des intérêts croissants que les contribuables québécois doivent payer. D’ailleurs nous payons les intérêts sur la dette brute, et non sur la dette nette.

En fait, les seuls actifs « liquides » du gouvernement, soit ceux qu’il pourrait vendre rapidement pour payer la dette, sont les actifs financiers nets. Et ils se chiffrent à 16,3 milliards $ au 31 mars 2014, soit seulement 6 % de la dette du secteur public.

Vendre Hydro-Québec?

D’autres font remarquer que nous possédons un actif qui a une valeur bien mesurable, soit Hydro-Québec. Pour assainir ses finances publiques, le gouvernement pourrait effectivement vendre une société d’État comme Hydro-Québec. Une telle vente, partielle ou totale, pourrait diminuer tangiblement la dette du Québec. Le problème, c’est que ceux-là mêmes qui répètent que l’on doit considérer nos actifs dans le calcul de la dette sont en général les mêmes qui s’opposeraient farouchement à une privatisation d’Hydro-Québec…

Peu importe la mesure de la dette que l’on utilise, le Québec est la province la plus endettée du Canada. Et nous paierons, cette année, 11 milliards $ pour le service de la dette. C’est environ 40 % de tous les impôts sur le revenu des Québécois pendant l’année.

Si on ne s’attaque pas au problème, cette facture collective va continuer à grimper, et ce, même si les taux d’intérêt demeuraient bas (ce qui ne sera pas le cas éternellement). Ce chiffre, même s’il semble abstrait, a des conséquences bien réelles. Tous ces milliards alloués à la dette ne peuvent servir à d’autres projets louables, que ce soit d’améliorer l’accès à des soins de santé pour tous, l’entretien des routes, ou réparer nos viaducs et nos écoles.

Ou, si on se permet de rêver un peu, servir à baisser un jour nos impôts et nos taxes.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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