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Textes d'opinion

La médecine privée ne nuit pas au système public

Au cours des derniers mois, le ministre québécois de la Santé, Réjean Hébert, a multiplié les déclarations alarmistes au sujet de la médecine privée. En mai, il qualifiait d’« hémorragie » le départ de médecins vers les cliniques privées et estimait que ce phénomène préoccupant aggravait la pénurie de médecins dans le réseau public. En septembre, il réitérait sa détermination à « colmater les brèches » et à mettre fin à ce « glissement vers le privé ». Qu’en est-il réellement ?

Bien que leur nombre ait augmenté depuis le début des années 2000, les médecins non participants au régime public ne comptent toujours que pour 1,38 % de l’ensemble des médecins au Québec, soit 263 sur un total de 18 990. De ce nombre, 186 étaient des généralistes et 77 des spécialistes. Quant au nombre de médecins oeuvrant dans le système public, loin de diminuer à cause des départs vers le secteur privé, il est en hausse. De 2004 à 2012, 1129 omnipraticiens supplémentaires ont rejoint la profession, alors que le nombre de spécialistes a grimpé de 1716.

Par ailleurs, le Québec compte plus de médecins par habitant que la moyenne canadienne et que sept autres provinces. On peut donc difficilement prétendre que ce développement restreint de la médecine privée est responsable des problèmes du système public de santé. Les données officielles en ce qui a trait aux cliniques sont très sommaires. Nos recoupements ont permis de constater que les médecins non participants seraient affiliés à 185 cliniques médicales. La plupart d’entre eux (58 %) travaillent seuls ou sont les seuls médecins non participants dans des cliniques comptant aussi des médecins participants. Il est intéressant de constater que les « grosses » cliniques médicales ne sont pas représentatives de l’écosystème de la médecine privée, puisqu’elles concernent seulement 13 % de ces médecins.

Nous avons cherché à connaître un peu mieux la nature de la clientèle des cliniques privées, sur laquelle aucune donnée n’existait à ce jour, en procédant à une enquête de terrain auprès de patients (voir le site Web de l’IEDM pour obtenir les résultats détaillés). Tout d’abord, le profil financier des clients ne correspond pas à l’image caricaturale d’une élite de gens très riches qui se paient des soins dans des cliniques luxueuses, mais ressemble plutôt à celui de la population en général. Les raisons exprimées pour visiter une clinique privée sont directement liées à l’existence de problèmes d’accès aux soins de première ligne dans le système public. Presque toutes les visites étaient motivées soit par une urgence, soit par des douleurs ou des préoccupations médicales. La moitié des répondants ont aussi affirmé avoir tenté d’aller dans un hôpital ou dans une clinique publique pour la même raison avant de prendre leur rendez-vous.

Enfin, la raison mentionnée comme étant très importante par la presque totalité des patients sondés (96 %) était la possibilité d’obtenir rapidement un rendez-vous. Parmi les autres raisons considérées comme les plus importantes se trouvent : la possibilité d’obtenir rapidement un traitement ou une chirurgie ; le bon suivi des patients ; le fait que le personnel médical explique bien le diagnostic ou le traitement ; et le professionnalisme du personnel médical.

Même si elle demeure relativement limitée, l’offre de services médicaux privés profite à beaucoup de Québécois. Loin de constituer une « saignée », la médecine privée contribue en fait à accroître l’offre globale de services de santé et à désengorger le système public. Son développement ne devrait pas servir de prétexte pour éviter les réformes nécessaires afin d’améliorer l’efficacité du système public, mais devrait au contraire être encouragé.

Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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