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Textes d'opinion

Adieu téléphones, lunettes, stylos…

Les discussions entourant les besoins en pétrole sont généralement cristallisées autour de l'usage de l'automobile. Pourtant, 43% du pétrole sert de carburant pour nos voitures. Qu'en est-il du reste? Pouvons-nous sérieusement envisager de nous « affranchir du pétrole »?

Une personne qui veut cesser de consommer du pétrole devra dire adieu aux téléphones intelligents, aux stylos à bille, aux chandelles, aux vêtements en fibres synthétiques comme le polar, aux lunettes, au dentifrice, aux pneus (incluant ceux du BIXI) et à des milliers d'autres produits fabriqués à partir de plastique, un dérivé du pétrole.

Il s'agit là d'un programme pour le moins ambitieux.

Le discours antipétrole a tellement diabolisé cette ressource qu'on a pratiquement mis en veilleuse les nombreux avantages conférés par son utilisation. Le pétrole et ses dérivés ont permis d'améliorer les conditions de vie dans les sociétés industrialisées, comme le démontre assez clairement la précédente énumération, mais aussi partout dans le monde. En Afrique entre autres, on a remplacé les jarres en terre cuite servant au transport de l'eau par des jarres en plastique, beaucoup plus légères et qui facilitent cette tâche réservée aux femmes.

En fait, les dérivés des hydrocarbures façonnent notre vie quotidienne. Certains de ces produits sont conçus ici même, à Montréal. C'est le cas des bouteilles d'eau Eska ou encore des contenants de mayonnaise Kraft. Il s'est en effet développé autour des raffineries de Montréal un secteur de haute technologie qui fournit des emplois de qualité à 3600 travailleurs.

Un des éléments de cette industrie est unique en Amérique du Nord: il s'agit de la chaîne du polyester. Celle-ci regroupe la raffinerie Suncor et trois entreprises qui, à tour de rôle, transforment les hydrocarbures en différents composés chimiques pour produire un plastique de type polyester, employé notamment dans la fabrication de bouteilles de plastique recyclable, d'emballages alimentaires et de tapis. Dans cet écosystème, les produits et même les résidus de l'un deviennent la matière première de l'autre.

Très dynamique, ce secteur est aussi très concurrentiel. Nous avons assisté ces dernières années à la fermeture de plusieurs raffineries et entreprises pétrochimiques. Ce secteur doit se mesurer aux super-raffineries dont celle de Jamnagar en Inde qui possède une capacité de raffinage de trois fois supérieure à celles des raffineries québécoises combinées. Suncor et Valero à Lévis (anciennement Ultramar) sont donc de petits joueurs à l'échelle mondiale.

La vitalité du secteur pétrochimique dépend pour beaucoup d'un approvisionnement stable en hydrocarbures bon marché. C'est exactement ce que sont en mesure d'offrir les provinces de l'Ouest.

La question n'est donc pas de savoir si le pétrole de l'Ouest sera acheminé au Québec, mais bien comment il le sera.

Les discussions concernant le développement du réseau de pipelines stagnent depuis plusieurs années déjà. Naturellement, les raffineries cherchent des solutions ailleurs. L'alternative aux pipelines, ce n'est pas « s'affranchir du pétrole », mais plutôt s'approvisionner par train, une option plus dommageable pour l'environnement et plus à risque d'accidents graves. La Presse nous apprenait d'ailleurs en juillet que Suncor et Valero ont des plans à court terme en ce sens.

Le pétrole comble 39% des besoins énergétiques du Québec. Il est à la base des produits essentiels à notre vie quotidienne. Les discussions entourant la politique énergétique devraient porter davantage sur les façons les plus sécuritaires de transporter le pétrole, à la fois par oléoducs et par trains, que sur le mirage d'un affranchissement du pétrole.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal, Jean-François Minardi, analyste en politiques publiques à l'IEDM. Ils signent ce texte à titre personnel.

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