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Textes d'opinion

Merci à la concurrence fiscale

Lancaster et Hawkesbury sont deux petites villes non loin de Montréal, mais situés néanmoins en Ontario. Les projets du gouvernement du Parti québécois d'augmenter les impôts sur les revenus élevés, les gains en capital et les dividendes y ont déclenché ce que La Presse a décrit comme une « frénésie immobilière », alimentée par ceux qui souhaitaient quitter le Québec pour une société à la fiscalité plus clémente.

Le gouvernement a dû partiellement reculer. La nouvelle proposition du ministre des Finances, Nicolas Marceau, ferait passer le taux d'impôt maximal combiné (fédéral et provincial) à 49,97%, un peu plus que le taux maximum de 49,53% prévu l'an prochain en Ontario, alors que les mesures initiales correspondaient à un taux combiné de 55,22%. Les hausses d'impôt sur les gains en capital et les dividendes ont également été abandonnées.

Dans le débat que le Québec vient de vivre sur le sujet, la notion de compétitivité fiscale de la Belle province par rapport à ses voisines a été centrale.

Outre la nouvelle sur Lancaster, les journaux ont illustré d'autres symptômes de la compétition fiscale: les maisons de Westmount ne se vendaient plus, des entrepreneurs allaient souffrir «d'oppression fiscale», les bureaux de fiscalistes étaient débordés d'appels, etc. La concurrence fiscale des autres provinces et États permet aux contribuables d'échapper à une fiscalité trop lourde, et ses conséquences bien documentées expliquent le recul du gouvernement.

Une étude de l'Institut C.D. Howe au début des années 2000 sur la concurrence fiscale au Canada démontre que les provinces qui abaissent leur taux marginal de taxation pour les particuliers réussissent à attirer et retenir davantage les individus dont le revenu est élevé. L'inverse est donc aussi vrai pour les provinces au fardeau fiscal élevé.

À la suite d'une étude portant sur 300 régions métropolitaines aux États-Unis entre 1969 et 2006, deux chercheurs à l'Université de Stanford en Californie font aussi remarquer que la compétition fiscale entre entités administratives est un déterminant majeur de la croissance des salaires. Selon un récent rapport du Manhattan Institute, cette concurrence fiscale joue justement un rôle important dans la perte moyenne de 225 000 habitants par année en Californie depuis 10 ans.

Bien que les travailleurs à hauts revenus soient plus mobiles, certains retraités s'exilent aussi, et pas seulement les Québécois vivant en Floride. Des retraités français partent vers l'Asie du Sud-Est par exemple, afin de tirer le maximum de leurs pensions grâce au coût de la vie abordable et aux faibles taxes locales.

Au Québec, le solde migratoire interprovincial est négatif depuis les 50 dernières années. La proportion des contribuables dont les revenus sont supérieurs à 100 000$ est deux fois plus importante en Ontario qu'ici. Parmi les 16 000 immigrants investisseurs arrivés au Québec entre 1998 et 2007, seulement le quart y vit encore, alors que les autres poursuivent leur chemin vers d'autres provinces. Certes, la lourde fiscalité québécoise n'est pas le seul facteur expliquant cette situation. Convenons toutefois que ce n'est pas un élément faisant du Québec une destination de choix pour les hauts salariés et les investisseurs.

Le Québec demeure la juridiction qui impose le plus lourd fardeau fiscal aux particuliers en Amérique du Nord et on ne se dirige pas vers une meilleure compétitivité à ce niveau. Toutefois, la preuve est faite qu'au Québec comme ailleurs, on ne peut pas toujours hausser les impôts sans considérer les États et les provinces qui nous entourent. Le recul du ministre Marceau démontre que c'est bien la concurrence fiscale qui nous protège d'une taxation plus lourde.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Marie-Josée Loiselle est chercheuse associée à l'IEDM. Il signent ce texte à titre personnel.

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