Le financement des hôpitaux à l’activité: l’attente a assez duré
Le gouvernement du Québec a annoncé, lors du dépôt de son dernier budget, la création d'un groupe d'experts qui devra se pencher sur la faisabilité d'un projet pilote sur le financement à l'activité dans le réseau hospitalier. Il faut se réjouir de cette volonté de revoir la façon dont on rémunère les hôpitaux. De l'avis de plusieurs analystes, dont mon collègue Yanick Labrie, le problème chronique des listes d'attente au Québec réside en bonne partie dans le mode de financement des hôpitaux.
Actuellement, presque tous les hôpitaux au Québec reçoivent leur financement sous forme de budgets globaux fondés essentiellement sur les montants de dépenses effectuées dans le passé.
Ce mode de financement a toujours été perçu par les décideurs comme une méthode simple à administrer et utile pour planifier la croissance des dépenses hospitalières. Tout cela peut sembler bien avantageux à travers la lorgnette du gouvernement, mais il en est tout autrement du point de vue des patients.
En effet, cette volonté de maîtriser les dépenses s'est concrétisée historiquement au moyen d'un rationnement des services : devant une demande en constante expansion, les hôpitaux n'ont eu d'autre choix que de restreindre les admissions afin de respecter leur budget. D'où l'attente dans le réseau de la santé qui s'éternise.
De plus, ce mode de financement n'offre aucune incitation aux gestionnaires d'hôpitaux à chercher à réduire les coûts et à améliorer l'accès aux soins. En vertu du modèle actuel, une innovation permettant de réduire le temps d'attente et de traiter plus de patients entraîne des pressions accrues sur le budget fixe de l'établissement. De façon similaire, une initiative novatrice permettant de réduire les dépenses ne peut que se traduire par une baisse équivalente du prochain budget. Dans un cas comme dans l'autre, le patient étant une source de dépenses supplémentaires pour l'hôpital, il n'y a aucun avantage à innover.
L'expérience anglaise
Comme le montre mon collègue dans sa plus récente Note économique, en Angleterre, les hôpitaux étaient financés principalement par budgets globaux avant 2003 et, à l'image de la situation en vigueur au Québec, la population semblait résignée au long temps d'attente avant de recevoir un traitement. Depuis, la quasi-totalité des soins hospitaliers sont remboursés en vertu d'un système de financement à l'activité, y compris les soins ambulatoires et les services d'urgence.
Les résultats n'ont pas tardé à se manifester. La meilleure utilisation des ressources par les hôpitaux a permis de traiter davantage de patients, et ce, sans nuire à la qualité des soins. Le temps d'attente médian pour une chirurgie non urgente a diminué de plus de 60 % depuis 2003.
La réforme du mode de financement des hôpitaux a aussi pavé la voie à d'autres changements au sein du système de santé anglais qui ont apporté des résultats bénéfiques. Les patients ont maintenant la possibilité de choisir l'établissement où ils souhaitent recevoir leur traitement et les hôpitaux se font concurrence pour les attirer. Cette concurrence accrue, qui découle directement de la réforme du financement, a joué un rôle clé dans l'amélioration de la gestion des hôpitaux et de la qualité des soins prodigués aux patients.
La rapidité avec laquelle les patients sont pris en charge à l'urgence a aussi connu une nette amélioration, sans que d'autres aspects des soins en souffrent. Ainsi, 97 % des patients se présentant dans une urgence reçoivent un diagnostic du médecin à l'intérieur du délai cible de quatre heures.
Le financement à l'activité n'est évidemment pas une panacée. Notre système de santé monopolistique souffre de plusieurs maux et il ne faut pas croire qu'il existe une solution unique, une sorte de remède miracle. Cependant, créer de meilleures incitations dans le cadre du système actuel est sans aucun doute un pas dans la bonne direction.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.