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Textes d'opinion

Deux têtes valent mieux qu’une

L’Organisation des Nations Unies (ONU) a récemment annoncé que la planète a passé le cap des sept milliards d’habitants. C’était l’occasion idéale pour que de malheureux prophètes s’érigent, encore une fois, en prophètes de malheur. Il faut dire qu’il est de bon ton de s’inquiéter de l’épuisement des ressources et d’y aller de prédictions ténébreuses quant à l’avenir de l’humanité.

Si certains discours semblent convaincants, leur manque d’originalité est néanmoins désolant. C’est que, voyez-vous, cela fait déjà plusieurs siècles qu’on nous annonce l’épuisement de nos ressources.

Déjà au VIIIe siècle, alors que les guerres arabo-byzantines exigeaient la construction de milliers de bateaux, les intellectuels de l’époque mettaient en garde contre la déforestation de la région méditerranéenne. Puis, en 1798, le pasteur et économiste britannique Thomas Malthus affirmait que des famines étaient imminentes, car, disait-il, la population augmente de façon exponentielle (2, 4, 8, 16, etc.) tandis que la production de nourriture augmente de façon linéaire (1, 2, 3, 4, etc.). En guise de solution, il prônait l’arrêt de toute aide aux nécessiteux et le contrôle démographique. En 1865, l’économiste et logicien William Jevons était convaincu que les réserves de charbon étaient pratiquement épuisées et qu’il s’ensuivrait une série de catastrophes. En 1908, le président américain Theodore Roosevelt prédisait à son tour l’épuisement des ressources naturelles. En 1968, le biologiste Paul R. Ehrlich prévoyait qu’une famine planétaire ferait périr des centaines de millions de personnes au cours des années 1970 et 1980. En 1971, le Club de Rome connaissait son heure de gloire alors qu’il prétendait que des pénuries de toutes sortes apparaîtraient d’ici 1990. À la même époque, Lester Brown, fondateur et président du Worldwatch Institute, affirmait que l’âge de la sécurité alimentaire est révolu. Aujourd’hui, l’ONU et les cassandres de l’environnement nous abreuvent de sombres prédictions. Faut-il les croire?

Les prédictions sont en fait des projections qui reposent sur l’hypothèse que l’être humain continuera toujours à suivre la même trajectoire. Or, grâce au génie humain et à la créativité, rien n‘est statique. Au contraire, au fil des siècles, l’humanité a pris des tangentes impossibles à prévoir qui ont fait mentir toutes les prédictions. Par exemple, si les famines annoncées ne se sont jamais concrétisées, c’est notamment grâce à Norman Borlaug, agronome américain et « père » de la révolution verte, qui a développé une variété de blé à haut rendement et résistant à la maladie. Quand le téléphone est entré dans tous les foyers, on appréhendait des pénuries de cuivre, mais l’avènement de la fibre optique a changé la donne. Les exemples de ce genre sont innombrables. Dans tous les cas, il a suffi d’une seule idée brillante pour améliorer la vie de milliards de personnes tout en protégeant nos ressources.

L’Histoire a montré que les futurologues de l’apocalypse ont un taux d’échec de 100 %. Souvenez-vous-en la prochaine fois que quelqu’un annoncera la fin du monde. Sept milliards d’habitants, c’est autant de bouches à nourrir. En revanche, c’est aussi sept milliards de cerveaux!

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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