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Textes d'opinion

L’impôt de la rancoeur

Après avoir annoncé un plan de 447 milliards de dollars pour relancer l’emploi, le président Obama a proposé ce lundi un plan fiscal supplémentaire de réduction du déficit de 3000 milliards de dollars financé à moitié par une hausse du fardeau fiscal des Américains les plus riches et des entreprises.

Lors de son allocution, il a repris l’appel récent lancé par son ami milliardaire Warren Buffett : « Nous ne pouvons pas nous permettre ces taux d’imposition plus bas pour les riches » et « La secrétaire de Warren Buffett ne devrait pas être soumise à un taux d’imposition supérieur à celui de Warren Buffett ».

Le discours populiste du président laisse croire que le régime fiscal américain serait régressif et non progressif. En d’autres mots, le taux d’imposition diminuerait à mesure que le revenu augmente.

Or, s’il y a bien quelque chose que la classe politique m’a appris, c’est de toujours vérifier les « faits » que ses membres avancent. L’exercice est souvent édifiant!

Dans le cas des taux d’imposition, les propos tenus par le président Obama et par M. Buffett ne sont pas représentatifs de la réalité du régime fiscal. Bien que les revenus d’investissement soient moins lourdement imposés que les revenus de travail, ils sont doublement imposés si l’on tient compte d’autres facteurs. Cela complique le calcul, mais ne change rien au fait que les très riches paient une proportion de leurs revenus bien plus élevée que les moins riches.

En consultant les données du fisc américain (IRS), on constate que le régime fiscal fédéral est hautement progressif. Par exemple, le taux d’imposition moyen pour un contribuable touchant un revenu de 40 000 $ à 50 000 $ est de 10,6 % de son revenu imposable. Il augmente à 24,6 % pour les salaires compris entre 200 000 $ et 500 000 $, et atteint pratiquement 30 % pour ceux de 1 à 10 millions de dollars.

En se basant sur les données du Congressional Budget Office (CBO), lesquelles sont plus révélatrices que celles du fisc car elles tiennent compte à la fois de l’impôt sur le revenu, des taxes sur la masse salariale, de l’impôt sur les bénéfices des sociétés et des taxes d’accise, on arrive à des conclusions similaires. Entre autres, on constate que le cinquième d’Américains les plus riches sont soumis à un taux d’imposition moyen de 25,1 % (29,5 % pour le 1 % des plus riches), contre des taux de 17,4 %, 14,3 % et 10,6 % pour les tranches inférieures.

Le président Obama pèche par manque de nuance, car on n’alourdit pas le fardeau fiscal d’un groupe de contribuables sans raison valable et, surtout, on ne déclenche pas une guerre des classes gratuitement.

Pourtant, M. Obama est bien entouré. Il est impossible qu’il ignore les données du fisc et du CBO. Serait-il incapable d’admettre que s’il vise les riches, c’est tout simplement… parce qu’ils sont riches?

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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