fbpx

Textes d'opinion

Privatiser la poste?

L’an dernier, nous avons vécu au rythme des négociations entre le Front commun des syndicats du secteur public et l’État québécois. À présent, ce sont celles de Postes Canada qui monopolisent l’attention.

Le syndicat des employés de Postes Canada réclame, entre autres, des hausses salariales et la pleine sécurité d’emploi. On ne sera pas trop étonnés si l’employeur accorde au syndicat l’essentiel de ses revendications. Pourquoi en serait-il autrement? Comme Postes Canada jouit d’un monopole en matière de distribution de lettres, il suffira de refiler ensuite la facture aux braves et dociles consommateurs.

Or, il existe au Canada une Loi sur la concurrence et un Bureau de la concurrence chargé de son application. Comme les monopoles et les cartels sont réputés inefficaces et qu’ils imposent aux consommateurs des prix excessifs pour la qualité offerte, des fonctionnaires sont mandatés pour surveiller les industries et empêcher qu’il ne s’en crée. Postes Canada ne fait pas exception et ses résultats insatisfaisants sont maintenant bien documentés : absentéisme élevé, faible productivité, retard technologique et importante croissance des coûts de main-d’oeuvre.

Une question s’impose donc : si la classe politique comprend les effets pervers des monopoles, pourquoi en concède-t-elle un à Postes Canada?

Comme on ne peut cautionner ce qu’on interdit normalement, Ottawa devrait profiter des négociations actuelles pour réfléchir à la légitimité du modèle en vigueur. Les 27 pays de l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande ont eu cette réflexion et ont choisi d’ouvrir le service postal à la concurrence et de créer ainsi un contexte où les entreprises sont obligées d’innover et de concevoir un modèle d’affaires leur permettant d’offrir un meilleur service à un coût moindre. Même la Suède, ce « paradis social-démocrate » si souvent cité en exemple, a aboli son monopole postal en 1993.

Souvenons-nous qu’Ottawa a eu le courage de mettre un terme au monopole de Bell Canada dans les années 1990. Cette initiative a nettement avantagé les consommateurs qui ont vu les prix diminuer à mesure que le nombre de concurrents augmentait. Alors, pourquoi ne pas ouvrir à la concurrence l’ensemble des services de Postes Canada? Il serait dommage que cette idée reste lettre morte, non?

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Back to top