fbpx

Textes d'opinion

Apprendre à dire « non »

Avec les Fêtes qui approchent, les cadeaux à acheter, le sapin à décorer et les petits plats à préparer, les Québécois ont pratiquement oublié ce qui les attend bientôt. Mais dès le 1er janvier, elle sera là, et nous écoperons tous. Il s’agit, bien évidemment, de la hausse de la TVQ qui passera à 8,5% dans deux semaines, puis à 9,5% le 1er janvier 2012.

Cette augmentation vient s’ajouter à la majoration de la taxe sur le carburant, à la hausse des tarifs d’électricité, à l’instauration de la « contribution santé » et à plusieurs autres mesures dont nous a gratifiés le ministre Raymond Bachand dans son dernier budget. Quand il s’agit de dépouiller le contribuable, Monsieur le ministre excelle!

Certes, le Québec est dans le rouge. Le déficit prévu pour 2010-2011 atteint 4,6 milliards de dollars et la dette publique explose. M. Bachand a d’ailleurs répété à maintes reprises que, pour assainir les finances publiques, les Québécois doivent tous mettre la main à la pâte, laissant ainsi sous-entendre que le problème est avant tout causé par des recettes insuffisantes. Cette affirmation est trompeuse.

De 2000 à 2010, le niveau des prix a augmenté de 19,2% tandis que la croissance de la population était de l’ordre de 7,5%. Ainsi, pour tenir compte de l’effet combiné de ces deux variables, les dépenses publiques auraient dû augmenter de 28,1%. Si on avait préféré que ces dernières suivent la croissance économique, une hausse de 35% aurait été acceptable. Or, l’examen des comptes publics révèle que les dépenses l’État québécois ont crû de 62% au cours de la même période (une hausse assurément sousestimée, car la dette continuait de croître malgré l’annonce de budgets équilibrés). C’est démesuré! Quant aux recettes, elles ont augmenté de 55,7%, ce qui signifie que l’État s’est tout de même enrichi nettement plus vite que l’ensemble de l’économie.

M. Bachand peut bien se lamenter que les recettes sont insuffisantes. La réalité, c’est que les Québécois ont été plus que généreux avec le Trésor public. Si pareilles largesses ont été vaines, c’est parce que nous avons un État-providence incapable de dire non aux demandes souvent extravagantes des groupes de pression dont il veut acheter les votes et des syndicats dont il veut acheter la paix.

Peut-être la hausse de la TVQ donnera-telle au ministre des Finances un peu de marge de manoeuvre. Mais le répit sera éphémère. Quand on dépense à un rythme effréné et sans rapport avec le contexte économique ou démographique, on est sur une trajectoire financière insoutenable. On peut faire l’autruche. On peut gagner du temps. Mais, à l’instar de la Grèce, la réalité finira par nous rattraper. Là, nous nous rendrons compte que le modèle québécois, tel que nous le connaissons, ne peut perdurer. Naturellement et fatalement, il implosera sous le poids de ses exubérances et de la cupidité syndicale. La crise des finances publiques deviendra alors une crise sociale, et les mesures d’austérité qui s’imposeront feront terriblement mal.

La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons encore éviter le pire. Mais pour cela, il faut que l’État comprenne qu’alourdir le fardeau fiscal n’est pas une solution durable, et qu’il apprenne à dire « non » à toutes les sangsues qui réclament des privilèges aux frais des contribuables.

La mauvaise nouvelle, c’est que le ministre Bachand n’a clairement pas le courage nécessaire pour dévier de la trajectoire actuelle. Peut-être son successeur?

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Back to top