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Textes d'opinion

Annuler les baisses d’impôts aux entreprises nuirait aux travailleurs

Mardi, l’opposition officielle fédérale a dévoilé son plan pour assainir les finances publiques et réduire le déficit budgétaire à 1% du PIB en deux ans. Le gouvernement, quant à lui, prévoit revenir à l’équilibre budgétaire pour l’exercice 2015-2016. Il faut saluer ces engagements partagés en faveur du rétablissement de l’équilibre budgétaire.

Malheureusement, une des mesures proposées par l’opposition officielle, soit l’annulation des réductions d’impôts promises aux entreprises (vers un taux de 15% en 2012), nuirait grandement aux travailleurs canadiens et à la reprise économique.

L’impôt sur le revenu des sociétés a pour effet de retirer une partie du profit généré par les entreprises. Lorsqu’un tel impôt est haussé, il pousse les entreprises à investir ailleurs. Nous perdons donc des investissements qui auraient pu accroître notre productivité. En conséquence, ce sont les travailleurs qui assument en pratique les hausses d’impôts des entreprises. Toutefois, nous en sommes moins conscients.

Premièrement, il faut comprendre qu’une entreprise plus productive peut offrir des salaires plus élevés et de meilleures conditions en général à ses travailleurs. Une entreprise plus productive peut aussi proposer de meilleurs prix à ses fournisseurs, ce qui permet aux fournisseurs à leur tour d’offrir de meilleurs salaires à leurs propres employés. Ainsi, une hausse de l’imposition des entreprises réduit les investissements qui auraient amélioré la rémunération des travailleurs.

Le rapport Fortin sur l’investissement des entreprises, rendu public en 2008, a documenté clairement cette affirmation. Deux chercheurs de l’Université Oxford ont étudié la situation de 23 000 entreprises dans 10 pays industrialisés. À court terme, 54% de toute hausse d’impôt des entreprises se sont reflétés par des salaires réduits. À long terme, chaque hausse de 1$ de l’imposition des entreprises conduit à une réduction des salaires supérieure à 1$.

Une étude de 2009 d’une économiste de la Réserve fédérale américaine à Kansas City a conclu à des conséquences similaires pour les États-Unis. De 1977 à 1991, une augmentation d’un point de pourcentage de l’imposition des entreprises dans les États a réduit les salaires de 0,27% en moyenne. De 1992 à 2005, à cause d’une mobilité du capital et d’une concurrence fiscale accrues, la même hausse d’impôts des entreprises d’un point a causé une réduction des salaires de 0,52% en moyenne.

Les hausses d’impôt des entreprises nuisent peut-être aux investisseurs canadiens, mais leur capital est mobile et ils peuvent donc trouver de meilleures occasions ailleurs. Les travailleurs n’ont pas la même mobilité et sont donc les premiers perdants d’une telle mesure. Toutefois, si le gouvernement envoie le signal contraire – en réduisant le fardeau fiscal des entreprises – celles-ci seront plus enthousiastes à venir investir au pays. Un influx de capitaux élargirait l’assiette fiscale et compenserait en partie la perte de recettes tout en accélérant la croissance économique, qui mènera à des salaires plus élevés.

Deuxièmement, les travailleurs – qui sont aussi des épargnants par l’entremise de leur REÉR, de leur CÉLI ou de leur régime de retraite – cherchent à obtenir les meilleurs rendements possible. Une lourde imposition des entreprises – notamment par l’impôt sur le revenu des sociétés – réduit les dividendes que les entreprises peuvent remettre aux actionnaires. Parmi ces actionnaires, on compte surtout des banques et des régimes de retraite qui investissent l’épargne des travailleurs. Avec des rendements plus faibles, les travailleurs devront soit travailler plus longtemps pour atteindre leurs objectifs, soit se contenter de moins. Encore une fois, le travailleur paie la note sans même le remarquer.

Même si nous saluons l’accent mis sur l’élimination des déficits à Ottawa, cette démarche ne doit pas étouffer l’économie canadienne en haussant le fardeau fiscal des particuliers et des entreprises. Ce n’est qu’en limitant la croissance des dépenses publiques et en amenant le fardeau fiscal à un seuil raisonnable que nous pourrons conjuguer l’équilibre budgétaire avec une reprise économique durable.

Jasmin Guénette et Vincent Geloso sont respectivement vice-président et économiste à l’Institut économique de Montréal.

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