C’est reparti!
En référence aux multiples initiatives de relance adoptées par Washington, j’avais écrit en octobre 2008 que «le plan de sauvetage ne remettra pas l’économie sur les rails. Pis encore, il l’enfoncera dans un profond marasme». Puis, en août 2009, alors que médias et politiciens annonçaient la fin de la récession, j’avais écrit que «le rebond américain est artificiel et temporaire». Évidemment, à chaque occasion, on m’a accusée, dans le meilleur des cas, d’être un prophète de malheur. Aujourd’hui, je persiste et signe, car ce n’est pas être pessimiste que d’annoncer la conséquence logique d’une politique irresponsable basée sur un diagnostic erroné.
Récapitulons les faits. Dès l’automne 2008, Washington a délié les cordons de sa bourse comme jamais auparavant. L’Oncle Sam a dépensé plus que ne l’a fait n’importe quel pays dans l’histoire de l’humanité. Pareille mesure était, nous disait-on, essentielle pour enrayer la récession et relancer l’économie. Plusieurs pays européens avaient alors suivi l’exemple américain.
Certes, quelques indicateurs économiques ont montré des signes encourageants pendant quelques mois. Or, un plan de relance, c’est comme administrer une boisson énergétique à un coureur épuisé. Cela aide à dissimuler la fatigue et à poursuivre la course, mais non à récupérer. Quand l’effet du dopage se dissipe, la faiblesse réapparaît, et le temps de repos nécessaire est d’autant plus long. Comme les fondements de l’économie étaient restés inchangés, les soubresauts observés ne pouvaient être annonciateurs de jours meilleurs. Il était alors évident que la reprise n’était qu’une illusion créée par l’injection d’une quantité astronomique de monnaie, une accalmie au milieu d’une tempête économique.
Aujourd’hui, de nombreux indicateurs confirment que les très onéreux plans de relance n’ont réussi qu’à maquiller provisoirement le marasme économique. Les statistiques pour le mois de mai ont été particulièrement décevantes: nouvelles commandes manufacturières (-1,4%); ventes au détail (-1,2%); ventes de maisons neuves (-32,7%); ventes de maisons existantes (-2,2%); indice de confiance des consommateurs (-15,6%).
Certes, le taux de chômage, qui atteignait 9,7% en mai, est maintenant à 9,5%. Toutefois, rappelons que la méthode statistique considère qu’un individu est chômeur seulement s’il déclare avoir cherché activement un emploi au cours des quatre dernières semaines. Dans le cas contraire, il est exclu du calcul du taux de chômage. Il arrive donc que le taux de chômage baisse pendant que l’économie recule. C’est justement ce qui se produit actuellement alors que 652 000 Américains découragés par l’état de l’économie ont tout simplement renoncé à chercher un emploi, et ne sont donc plus comptabilisés comme chômeurs. Si on additionne les 14,6 millions de chômeurs officiels et les 11,2 millions d’individus qui échappent aux statistiques ou qui occupent un emploi à temps partiel faute d’avoir trouvé mieux, le taux de chômage réel atteint aujourd’hui 16,5%! En plus, nos voisins du Sud se réveillent aujourd’hui en quasi faillite avec une dette de 13 billions, et un déficit égal à 9,9% du PIB.
J’ai souvent écrit que non seulement les plans de relance se solderaient par un échec, mais qu’ils aggraveraient la récession. Si on se fie aux plus récentes statistiques, il semble que ce soit le cas. C’était toutefois élémentaire à prévoir. La récession était causée par un endettement excessif. Or, les plans de relance partent d’un principe illogique selon lequel il faut dépenser et s’endetter pour s’enrichir. Les États-Unis ont défié le gros bon sens en voulant résoudre un problème d’endettement en s’endettant davantage. Ils ont refusé de considérer qu’il faut d’abord épargner et s’enrichir pour pouvoir ensuite dépenser. Ils ont adopté des plans de relance pour maîtriser la récession. Il semble plutôt qu’elle soit repartie de plus belle!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.