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Textes d'opinion

Liberté

Quand on demande à quelqu’un pour qui il travaille, il répond habituellement en nommant son employeur. Si pareille réponse est généralement acceptée, elle constitue néanmoins une demi-vérité.

En effet, selon l’Institut Fraser, cette année, la journée d’affranchissement de l’impôt est arrivée le 7 juin, deux jours plus tard que l’an dernier. Concrètement, cela signifie que du 1er janvier au 7 juin, les Québécois ont donc travaillé pour… l’État! Concrètement, cela signifie qu’une famille québécoise moyenne doit travailler plus de cinq mois pour respecter toutes ses obligations fiscales. Vingt-deux longues semaines à se lever tôt, à braver le froid et la neige, à s’entasser dans des autobus bondés, à composer avec un patron exigeant et des collègues parfois antipathiques, à vivre sous pression et à s’évertuer à concilier travail et famille. Et comme si travailler cinq mois sans rapporter un sou à la maison n’était pas suffisant, nous devons aussi assumer tous les coûts associés à notre activité professionnelle: frais de déplacement, vêtements, repas à l’extérieur, etc.

Il faut dire que nos gouvernements sont gourmands. Il faut payer l’impôt sur le revenu à Ottawa et à Québec, la TPS, la TVQ, les nombreuses taxes d’accise (alcool, tabac, essence, primes d’assurance, bijoux, climatiseurs automobiles, etc.), les taxes sur les divertissements, sur l’hébergement et sur les pneus neufs. Il y a aussi les taxes municipales, les taxes scolaires, la taxe d’arrondissement, la taxe d’agglomération locale, les tarifs douaniers, les frais d’immatriculation et permis divers, ainsi que les cotisations à l’assurance-emploi, au RRQ, à l’assurance médicaments et à l’assurance parentale.

Certes, l’État a un rôle à jouer dans la société et il est naturel que nous financions collectivement certains services qu’il nous offre. Mais quand l’impôt accapare 42,8% du revenu d’une famille moyenne, ce n’est plus l’État qui est au service des contribuables, ce sont les contribuables qui sont au service de l’État. Lentement et sournoisement, les taxes se sont multipliées et les Québécois sont tombés en semi-servitude.

Si nous en sommes arrivés là, c’est parce que la classe politique a capitulé devant les groupes de pression passés maîtres dans l’art d’amener l’État à prendre en charge les individus en transformant systématiquement leurs besoins en droits: droit au logement, droit à l’éducation, droit aux médicaments, droit aux loisirs, droit au travail, etc. Récemment, un commissaire de l’Union européenne a même proposé le droit aux voyages, aux frais des contribuables, évidemment!

Tandis que le concept de «droit» est invoqué à répétition par tous nos bien-pensants tapageurs, il en existe un qui, bien qu’intimement lié au droit au travail, n’a encore jamais été adopté: le droit de jouir du fruit de son travail sans se le faire confisquer. N’est-ce pas un droit tout aussi défendable que les autres?

Or, l’arrivée tardive du jour de libération fiscale témoigne du mépris de ce droit. D’ailleurs, comment aurait-il pu en être autrement puisqu’il faut justement rançonner les activités productives pour avoir les moyens de financer tous les droits revendiqués? Pour paraphraser Achille Tournier, écrivain français du XIXe siècle, nous avons créé au Québec deux groupes: ceux qui vivent de l’impôt, et ceux qui en meurent.

Il y a 200 ans, à une époque où les économistes n’étaient pas encore muselés par la rectitude politique, Jean-Baptiste Say déclarait: «L’impôt est une agression et une pénalité contre la propriété acquise et produite». Plus récemment, Murray Rothbard, un économiste américain décédé en 1995, écrivait: «L’impôt c’est purement et simplement un vol, puisqu’il n’est pas volontaire». Et vous? Qu’en pensez-vous?

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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